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Textes d'opinion

Un régime qui ne marche pas

Le très redouté rapport Castonguay sur le financement de la santé a finalement été rendu public mardi. Depuis, les réactions négatives déferlent et nombreux sont ceux qui voient en ce rapport une tentative d’assassinat du système public.

Certes, les auteurs recommandent d’autoriser les médecins à pratiquer à la fois dans les secteurs public et privé, de permettre le recours à l’assurance privée pour tous les services, et d’octroyer davantage d’autonomie aux établissements de soins. Cela constitue une brèche dans le monopole étatique qui aurait été inimaginable il y a à peine trois ans.

Mais outre ces quelques concessions, les défenseurs du régime public devraient pousser un réel soupir de soulagement, car l’essentiel des recommandations vise à entretenir le système actuel. Entre autres, le rapport propose la création d’un programme pour évaluer la performance des établissements, la mise sur pied d’un Institut national d’excellence en santé, et l’instauration d’un Fonds de stabilisation. Des gens souffrent sur les listes d’attentes, et on nous propose d’alourdir la bureaucratie! Le système actuel est délabré, et on nous recommande de le travestir pour mieux cacher ses lacunes! Pire encore, certains applaudissent ces propositions.

Le rapport Castonguay nous sert la même rengaine que celle qu’on entend depuis plus de 20 ans, à savoir qu’il suffit d’injecter des fonds dans le régime public et d’apporter de légers correctifs pour qu’il fonctionne. Nous y avons longtemps cru, mais en dépit de l’explosion des sommes allouées à la santé, le système stagne et les listes d’attentes s’allongent. Le régime a été revu et corrigé maintes fois sans succès. Qu’attendons-nous donc pour réaliser que le régime public est un panier percé, et que l’injection de fonds supplémentaires n’accroît pas son efficacité? Quand allons-nous comprendre qu’un monopole est nécessairement inefficace, qu’il soit privé ou public?

Les commissaires proposent d’exiger des patients une contribution monétaire qui prendrait la forme d’un ticket modérateur, d’augmenter la TVQ et de dédier le montant ainsi obtenu à la santé. Or, le budget de la santé a pratiquement doublé en 10 ans. Aujourd’hui, sur chaque dollar payé en impôt au Québec, presque 40 cents servent à alimenter l’appétit insatiable du régime public. Pour un régime «gratuit», il commence à coûter plutôt cher. Les Québécois paient déjà suffisamment pour le système actuel, et n’en ont pas pour leur argent. Et on nous demande de payer plus avec la promesse qu’il s’améliorera?! Le régime public a été incapable de se réformer malgré les sommes colossales qui lui ont été allouées par le passé. Pourquoi en serait-il autrement cette fois-ci?

Les commissaires ont réalisé un travail colossal, mais leur rapport ressemble à une opération de sauvetage. Or, ce n’est pas le système qu’il faut secourir, ce sont les malades! Il ne faut donc pas se contenter de changements riquiqui ou de «déplacer les meubles» à l’intérieur d’un régime inefficace en espérant que les choses s’améliorent. Le système public a eu 40 ans pour faire ses preuves, il faut maintenant avoir le courage d’effectuer un virage à 180 degrés!

Et si le virage implique plus d’ouverture au secteur privé, pourquoi y être si réfractaire? Ne sommes-nous pas reçus avec diligence chez le dentiste, l’optométriste ou le chiropraticien? Ne disposent-ils pas d’équipements à la fine pointe? On peut obtenir une chirurgie de la cataracte en une semaine dans une clinique privée, ou patienter six mois pour subir la même intervention dans un hôpital. Trouvez l’erreur!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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