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Textes d'opinion

Une opposition irrationnelle

L’opposition irrationnelle de plusieurs factions politiques et groupes de pression à une participation intelligente d’entreprises de soins de santé privées au système de santé québécois et canadien constitue le frein le plus important empêchant son amélioration.

Je désire présenter ici quelques faits sur la présence très importante du secteur privé à but lucratif dans le système de santé en France, en particulier dans le secteur des soins hospitaliers. On peut en dégager des leçons pertinentes sur l’intérêt de permettre la contribution d’organismes privés, à but lucratif ou non, dans notre système de santé, tant pour l’assurance que pour la fourniture directe de soins.

Les établissements privés à but lucratif représentaient en 2005, en France, quelque 1052 établissements, soit 37% du total des établissements de santé avec capacité d’hospitalisation. Ces établissements regroupaient 91 191 lits d’hospitalisation complète, soit 20,5% du total, et prenaient en charge, chaque année près de 10 millions de patients, s’occupaient de deux millions de passages aux urgences, réalisaient 60% de l’ensemble des interventions chirurgicales, 75% des séjours médicaux ambulatoires, 40% des traitements contre le cancer, 33% des accouchements, 30% des séjours en soins de suite et de réadaptation, 25% des interventions cardiaques, 20% des séjours psychiatriques pour ce qui est de l’hospitalisation complète, 30% des traitements de dialyse et traitent 50% des patients bénéficiaires de la couverture maladie universelle, à savoir les patients à faible revenu couverts à 100% par le système public d’assurance maladie.

Dans le secteur des soins de suivi et de la réadaptation, 270 cliniques privées regroupaient 52 780 lits d’hospitalisation complète (58% du total), 3663 places d’hospitalisation partielle (75% du total) et accueillaient chaque année près de 254 000 patients (30% du total). Dans le secteur psychiatrique, 160 cliniques psychiatriques privées regroupaient 12 000 lits d’hospitalisation de psychiatrie générale et spécialisée, d’hospitalisation partielle et de soins de suivi et gèrent 20% des hospitalisations psychiatriques. Le chiffre d’affaires des cliniques de médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) a crû de 9,3% en 2005 et le secteur hors MCO de 5,8%.

Querelles comptables

L’exemple français montre que les querelles comptables auxquelles on s’adonne régulièrement au Canada et au Québec sont plus ou moins sérieuses. Un système de soins de santé, en particulier de soins hospitaliers, peut être public et universel sans pour autant que la prestation de ces soins soit monopolisée par des organismes du secteur public. Dans un système respectueux d’abord et avant tout des patients et axé sur une recherche continuelle de rendement (optimisation des bénéfices et contrôle des coûts), une brochette diversifiée d’établissements publics, privés à but non lucratif et privés à but lucratif permet l’émergence d’une flexibilité, d’une comparabilité et d’une concurrence adéquates qui en bout de piste profitent grandement à l’ensemble des citoyens.

Même s’il n’est pas parfait, il peut être utile de rappeler que le système français de soins de santé, qui se caractérise par un pluralisme hospitalier ouvert à tous les patients choisissant librement leurs fournisseurs de soins, a été classé «meilleur système de santé au monde» par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Un ancien directeur des hôpitaux au ministère de la Santé, Jean de Kervasdoué, affirmait en 2002 que «le pluralisme hospitalier) explique pourquoi il n’existe pas en France, contrairement à la plupart des pays occidentaux, de file d’attente, notamment pour les interventions chirurgicales».

Il faut aussi mentionner le développement important des groupes hospitaliers privés à but lucratif. Par exemple, la Générale de santé et le Groupe CAPIO, respectivement sous contrôle italien et suédois et même cotés en bourse, sont devenus de véritables chefs de file en France et en Europe en gestion d’établissements de santé et en prestation innovatrice de soins hospitaliers. À partir d’une base nationale, ils ont pu exporter leur expertise.

On peut rêver qu’il en soit éventuellement de même pour des entreprises d’ici, pour autant qu’on leur donne le droit d’exister et de pouvoir témoigner de nos compétences et de notre capacité d’innovation en matière de soins de santé. Ce, pour le plus grand bénéfice non seulement des Canadiens et des Québécois, mais aussi de nos concitoyens étrangers.

Marcel Boyer est vice-président et économiste en chef à l’Institut économique de Montréal, professeur titulaire de la chaire Bell Canada en économie industrielle à l’Université de Montréal et fellow du groupe CIRANO.

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