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Textes d'opinion

Propagande syndicale

On a souvent qualifié les panneaux publicitaires le long des axes routiers de pollution visuelle. Mais avec les affiches payées par la CSN et la FTQ, on peut maintenant parler de pollution intellectuelle!

Depuis le 26 décembre, ces deux grandes centrales syndicales ont lancé une campagne publicitaire pour dénoncer l’entrée du secteur privé dans le système de santé. Elles souhaitent préserver le système en place et, pour nous rallier à leur cause, elles affirment que le secteur privé compromettrait l’accès aux soins de santé. Mais se sont-elles déjà demandé ce que nous réserve l’avenir si nous continuons à entretenir le monopole public actuel?

Pour avoir une idée de ce qui nous attend, regardons du côté de la Grande-Bretagne, car ce pays offre un système de santé public planifié et centralisé, le National Health Service (NHS) créé en 1948, qui ressemble énormément au régime canadien.

Comme nous, les Britanniques doivent mettre leur nom figure sur d’interminables listes d’attente ou aller se faire soigner à l’étranger. Ils ont longtemps nié l’échec de leur modèle, mais aujourd’hui le NHS traverse une crise. Toutefois, pour désengorger le système et économiser des millions, le gouvernement britannique vient d’annoncer une solution stupéfiante: inciter les malades à se soigner eux-mêmes! Par exemple, les patients souffrant d’asthme, d’arthrite ou d’insuffisance cardiaque seront encouragés à éviter les hôpitaux et à se traiter seuls grâce à des équipements installés à leur domicile. Ils devront même s’administrer les médicaments nécessaires.

Ce n’est pas tout. Le gouvernement britannique a annoncé qu’il obligera bientôt systématiquement des malades à se conformer à certaines exigences pour bénéficier des soins de santé. Par exemple, le NHS refusera d’inscrire un fumeur sur une liste d’attente pour un remplacement de la hanche à moins qu’il ne consente à cesser de fumer. Il exigera également que certains patients perdent du poids en vue de «mériter» une intervention chirurgicale. Un système de santé qui use de chantage auprès des malades, qui rationne les soins et qui discrimine les individus: voilà où en sont rendus les Britanniques. Et voilà vers quoi nous nous dirigeons si nous persistons à aduler aveuglément le monopole public.

D’ailleurs, nous avons eu le virage ambulatoire qui visait à accroître le volume des soins dispensés à l’extérieur du milieu hospitalier, et certains hôpitaux exigent déjà que des patients se soumettent à certaines conditions avant de les soigner. Ce n’est donc qu’une question de temps avant que cette méthode ne devienne la norme et qu’on nous demande également de nous soigner nous-mêmes au nom du «virage solitaire».

Évidemment, la CSN et la FTQ se gardent bien de citer le cas britannique. Comme les syndicats sont des entreprises commerciales comme toutes les autres, leur survie dépend de la satisfaction de leurs «clients», en l’occurrence de leurs membres. Ne nous laissons donc pas berner par leur soi-disant souci d’assurer aux plus démunis l’accès aux soins de santé. Si l’universalité les préoccupait sincèrement, ils auraient révisé depuis longtemps les conventions collectives qui paralysent le système de santé et le rendent inefficace. Mais améliorer le système de santé est le cadet de leurs préoccupations. Leur priorité absolue est de préserver les avantages de leurs membres et d’en recruter de nouveaux. Et pour cela, ils nous cachent l’échec britannique et sont prêts à laisser des malades mourir sur des listes d’attente. Belle solidarité!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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