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Textes d'opinion

L’aide à l’agriculture, une vache sacrée

La Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire du Québec entreprend cette semaine la dernière étape de ses consultations. Depuis le début de sa tournée, la Commission a reçu les représentations d’une pléthore d’intervenants, les uns lui réclamant de bonifier les programmes existants, les autres lui proposant de nouvelles façons d’aider les filières de l’industrie agroalimentaire.

L’agriculture est l’un des secteurs de l’économie les plus subventionnés, ici et ailleurs. Non seulement les producteurs reçoivent des paiements de transfert importants, mais on doit aussi y ajouter l’aide provenant directement des consommateurs.

Cette dernière ne transite pas par le budget de l’État, car elle se présente sous forme de prix gonflés par des tarifs douaniers ou par des plans de gestion de l’offre. L’OCDE estime qu’un dollar sur cinq des recettes agricoles brutes au Canada provient des politiques de soutien public à l’agriculture.

Curieusement, on ne questionne pas souvent le bien fondé de cette manne. Pourquoi, en effet, les producteurs agricoles devraient-ils pouvoir compter sur l’aide des contribuables plus que les manufacturiers ou les détaillants?

L’assurance stabilisation des revenus agricoles, dont une partie des primes est payée par les contribuables, est une autre forme d’aide aux producteurs. On la justifie par le caractère cyclique du secteur. Pourtant nombre d’autres industries, comme les mines ou l’immobilier, font face à des risques cycliques sans que l’État n’intervienne. Pourquoi le fait-il en agriculture?

Selon un autre argument fréquemment entendu, les aides aux producteurs visent à maintenir en vie les petites fermes familiales. En réalité, l’aide permet aux exploitations les moins efficaces de survivre. Sans cette aide, leurs terres se verraient graduellement annexées à des exploitations plus grandes.

Et alors? De 2001 à 2006, le nombre de fermes a diminué de 7% à l’échelle canadienne. Mais leur taille moyenne a cru de près de 8%, de sorte que la superficie agricole totale du Canada est demeurée quasiment stable.

En 1901, le secteur agricole employait plus de 40% de la main-d’oeuvre canadienne; aujourd’hui, c’est 2%. Qui voudrait revenir en arrière? Qui plus est, il appert que le degré d’urbanisation est source de prospérité. Selon une étude de l’Institute for Competitiveness and Prosperity, l’écart entre les taux d’urbanisation au Québec et aux États-Unis expliquerait le quart (3500 $) de la différence dans les PIB per capita (13 700 $) de ces deux pays. Pourquoi faudrait-il contrecarrer ce mouvement d’urbanisation séculaire?

L’argument de l’autosuffisance alimentaire, soulevé au Québec notamment dans le cas du porc par l’ancien ministre Jean Garon, est fondé sur des considérations stratégiques. C’est un argument analogue qui a expliqué, dans le passé, la réticence de certains dirigeants américains à devenir trop dépendants des importations d’hydroélectricité québécoise.

Leur insécurité énergétique est le miroir de la nôtre en matière alimentaire. Mais les échanges commerciaux volumineux entre pays interdépendants ne sont-ils pas le plus sûr garant de la paix et de la bonne entente?

Espérons que dans ses délibérations, avant de proposer de nouvelles façons d’accroitre l’aide publique à l’agriculture, la Commission se demandera si les raisons qui l’ont originellement motivée sont encore valides.

Paul Daniel Muller est président de l’Institut économique de Montréal.

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