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Textes d'opinion

Le mythe de l’éthanol

C’est fait! Le Québec a maintenant son usine d’éthanol. Elle a été inaugurée la semaine dernière à Varennes sous le regard attendri de Chuck Strahl, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada et ministre de la Commission canadienne du blé.

Au Canada comme aux États-unis, l’éthanol bénéficie des bonnes grâces des politiciens, car il est présenté comme un carburant vert et la solution aux changements climatiques en plus de faire office de substitut éventuel au pétrole. Ottawa a d’ailleurs adopté une réglementation qui impose une concentration de 5% d’éthanol dans l’essence.

Développer des sources alternatives d’énergie et offrir davantage de choix aux consommateurs ne peuvent qu’avantager notre société. Mais encore faut-il éviter de créer une industrie sur la base de mythes savamment entretenus!

On nous dit que l’éthanol va contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Or, la production de maïs, comme celle d’éthanol, est largement tributaire du pétrole. Il en faut pour fabriquer les fertilisants, conduire les tracteurs, construire les silos, transporter le maïs dans une usine de transformation et opérer cette usine.

Et comme il est impossible d’acheminer l’éthanol par pipeline, il faut ajouter à ce qui précède la consommation de pétrole et la pollution occasionnées par les camions chargés de son transport.

Autant de GES que l’essence

De nombreuses études ont montré que l’éthanol produit autant de gaz à effet de serre que l’essence lorsque l’on considère l’ensemble du cycle de vie de chacun de ces produits. Pire encore, une étude réalisée par un chercheur d’Environnement Canada, Greg Rideout, conclut qu’il n’existe aucune différence entre les émissions de GES produites lorsqu’on utilise un carburant contenant 10% d’éthanol par rapport au carburant ordinaire.

Comme la production d’éthanol coûte cher, la nouvelle usine de Varennes bénéficie d’une aide gouvernementale de 180 millions sur 10 ans. On dépenserait donc des sommes colossales sans pour autant réduire les émissions de GES! Nos politiciens ne voient-ils pas que l’éthanol n’est pas la panacée, mais bien une source de gaspillage? D’ailleurs est-il raisonnable d’octroyer une subvention de 180 millions à une usine qui n’a coûté que 100 millions à construire?!

Les partisans de l’éthanol oublient également d’envisager les effets de leurs bonnes intentions sur notre facture d’épicerie. La hausse de la demande d’éthanol fera très probablement grimper le prix du maïs. Comme le maïs est largement utilisé dans l’alimentation du bétail, le prix de la viande augmentera à son tour, à l’instar de tous les produits à base de maïs.

La facture aux consommateurs

En choisissant arbitrairement de favoriser la production d’éthanol, nos bureaucrates avantagent substantiellement les producteurs de maïs et refilent la facture aux contribuables et aux consommateurs. La production d’éthanol est une manne pour les agriculteurs, car elle arrive à une époque où les règlements de l’OMC relativement aux subventions agricoles se durcissent. D’ailleurs, les subventions à l’éthanol ne seraient-elles pas un moyen détourné d’aider les agriculteurs, et donc de gagner des votes, sans enfreindre les règlements de l’OMC? La question mérite d’être posée!

Il est légitime de chercher des substituts au pétrole, tout comme il est souhaitable de développer une énergie propre. Mais il est inadmissible de passer sous silence certaines informations fondamentales. Dans le but de se constituer un capital politique, nos élus offrent un merveilleux cadeau aux agriculteurs, mais tentent de nous faire croire qu’ils agissent dans notre intérêt et dans celui de l’environnement. Il y a quand même des limites!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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