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Textes d'opinion

Ce n’est pas la motion qui fait la nation

C’est fait: la Chambre des communes a donné son aval à la motion controversée de Stephen Harper qui reconnaît que les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni. Il n’en a pas fallu davantage pour que certains, particulièrement des nationalistes, se réjouissent, comme si cela constituait une avancée majeure.

Toutefois, quand on sait que la motion emploie le terme Québécois pour, semble-t-il (les politiciens fédéraux n’ont pas été très clairs à ce sujet!), désigner les Canadiens français et non tous ceux qui résident à l’intérieur des frontières géographiques de la province, il y a lieu de se questionner sur la pertinence du geste. Tout le monde reconnaît que les Canadiens français sont l’un des peuples fondateurs du Canada. C’est d’ailleurs ce qu’on peut lire dans tous les livres d’histoire. Comme la motion votée lundi n’a aucune valeur juridique ni constitutionnelle, et ne fait aucunement référence à l’intégrité territoriale du Québec, quel progrès le Québec a-t-il réalisé? Se limite-t-elle à entériner un fait historique incontestable?

Ah, oui! Il y a la symbolique de la chose. Les autochtones sont également désignés par l’expression Premières Nations. Et puis? Cette reconnaissance ne contribue en rien à régler tous les problèmes socio-économiques qui les accablent. Les symboles ne nourrissent pas!

Mais le plus pathétique dans toute cette saga, c’est ce besoin viscéral de nos leaders nationalistes d’obtenir la reconnaissance des autres provinces. Leur besoin est si intense qu’ils se sont abaissés à quémander cette reconnaissance à Ottawa. Or, le véritable respect ne s’obtient pas à force de mendier, il se mérite!

Pour que le Québec soit sincèrement reconnu comme nation, il doit susciter l’admiration. Il doit s’élever au-dessus des autres provinces et des autres pays par son autonomie, ses réalisations et sa performance. Il est légitime que certains souhaitent donner davantage de poids politique au Québec, mais cet objectif serait plus facile à atteindre s’il devenait une puissance économique. Or, ceux qui exigent la reconnaissance du titre de nation sont les premiers à quêter de l’argent du fédéral au nom du déséquilibre fiscal. Ils se comportent comme des ‘BS’ pour obtenir la charité d’Ottawa et font l’autruche quand vient le temps de discuter des retards du Québec. Quel paradoxe que de revendiquer l’autonomie d’une nation tout en affichant sa dépendance à l’égard d’Ottawa!

Pour que la nation québécoise soit plus qu’une simple motion sans conséquences, il faut que nos leaders investissent leurs énergies à comprendre et à solutionner les problèmes économiques qui font de notre Belle province l’une des régions les plus pauvres en Amérique du Nord. Il faut comprendre pourquoi notre taux de chômage québécois est systématiquement supérieur à celui de la moyenne canadienne, pourquoi le Québec est moins productif et fait moins bonne figure que le reste du Canada, et pourquoi la richesse nette des Québécois représente à peine 60% de celle des Ontariens.

Si la planète tout entière parle de l’Irlande, de la Corée du Sud et de plusieurs autres pays asiatiques, c’est parce qu’ils ont accompli de véritables miracles économiques qui suscitent l’admiration et le respect. Ils n’ont pas besoin de demander la reconnaissance au reste du monde, on la leur accorde d’office. Le jour où l’on parlera du miracle québécois, le poids économique du Québec permettra alors aux souverainistes d’obtenir le poids politique qu’ils convoitent.

Un bon leader doit choisir ses batailles. Or, la bataille économique devrait avoir priorité sur les symboles, car tant que le Québec sera pauvre, les Québécois seront une nation … en développement!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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