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Textes d'opinion

Friedman, l’anti-Keynes

Déjà une semaine que Milton Friedman nous a quittés. Si pour plusieurs son nom est inconnu, Il a été pourtant l’économiste le plus influent des 50 dernières années! Né en 1912 dans une famille d’immigrants juifs venus s’installer aux États-Unis, il étudie l’économie à l’Université de Chicago et à l’Université Columbia, et ne tarde pas à remporter plusieurs honneurs, dont le prestigieux Prix Nobel d’économie en 1976.

Friedman a influencé aussi bien la science économique que la pensée politique à travers le monde, de Reagan à Thatcher en passant par plusieurs leaders asiatiques. Il a révolutionné la compréhension de l’inflation, et c’est grâce à ses enseignements que de nombreuses banques centrales maîtrisent aujourd’hui ce phénomène. Il a milité contre la conscription obligatoire, il s’est prononcé en faveur de la légalisation des drogues, d’un taux de change flexible, et de la réduction des barrières commerciales et des dépenses publiques. Il est également l’instigateur du principe des «bons d’éducation» et des réformes de l’aide sociale.

L’oeuvre de Friedman est immense, mais toutes ses prises de position visaient à défendre à la fois la liberté individuelle et la liberté économique. Il croyait qu’il est toujours préférable de laisser les individus prendre leurs propres décisions plutôt que leur imposer les choix arbitraires des fonctionnaires. Il s’est opposé au paternalisme de l’État et a défendu la liberté contre le totalitarisme du marxisme, du communisme et du socialisme.

Si Friedman a dominé la seconde moitié du XXe siècle, c’est à John Maynard Keynes que revient la première moitié. D’ailleurs, c’est suite aux avancées de Friedman que les théories keynésiennes, qui défendaient l’interventionnisme et qui faisaient consensus jusque dans les années 1960, ont été reléguées aux oubliettes dans plusieurs pays. Contrairement à Keynes, Friedman était convaincu que ce sont les gestes posés par les individus qui permettent la création de richesses, et non les actions gouvernementales. Aujourd’hui, les preuves empiriques donnent raison à Friedman et confirment que la liberté économique est une condition nécessaire à la prospérité. D’ailleurs, le Index of Economic Freedom, publié annuellement par la célèbre Heritage Foundation et le Wall Street Journal, montre bien que les pays les plus libres comptent également parmi les plus riches.

Vieux dogmes

Mais alors que la pensée de Friedman et son influence politique ont traversé les océans, il semblerait qu’elles n’aient jamais franchi les frontières québécoises. En effet, depuis les années 1960, nos gouvernements n’ont fait qu’appliquer les vieilles théories keynésiennes sans jamais les remettre en question. Enlisés dans les vestiges du passé, ils font fi des récentes avancées de la science économique et s’imaginent révolutionner le paysage politique québécois chaque fois qu’ils effectuent le moindre changement sur le thème de l’interventionnisme keynésien. Exception faite de Lucien Bouchard, les ex-premiers ministres refusent de réviser leurs vieux dogmes. Peut-être craignent-ils que cet exercice ne remette en question leurs actions. Or, nul ne doute de leurs bonnes intentions, ce sont simplement les résultats qu’il faut évaluer avec objectivité afin d’apporter les correctifs nécessaires.

Lors de ma récente participation à une table ronde organisée par un parti politique connu, une ministre dynamique et sincèrement soucieuse de l’avenir du Québec réagissait à ma présentation en déclarant qu’un gouvernement ne peut entreprendre un virage à 180 degrés. C’est faux! Des pays comme l’Irlande ont prouvé que c’est possible Mais pour cela, il ne faut pas être paralysé par la crainte de perdre des élections.

Les enseignements de Friedman sont importants, on devrait s’en inspirer. On devrait surtout refuser l’immobilisme imposé par des politiciens figés dans le passé et dont les décisions hypothèquent l’avenir du Québec!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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