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Textes d'opinion

Garderies à 7$: les parents y trouvent-ils tous leur compte?

En interdisant aux garderies privées subventionnées de surfacturer pour des activités supplémentaires, le gouvernement du Québec a poursuivi le processus de centralisation et d’uniformisation enclenché il y a une décennie avec la création des garderies à 5$ (maintenant 7$). Les effets pervers de ce modèle uniformisé se font de plus en plus sentir. Les parents que l’on souhaitait aider y trouvent-ils vraiment leur compte? Un document préparé par ma collègue Norma Kozhaya fournit des réponses à cette question et propose des pistes de solutions.

Un système universel et équitable?

Avant 1997, les parents recevaient des allocations familiales universelles. Les frais de garde donnaient droit à un crédit d’impôt remboursable et les familles les plus démunies en étaient complètement exonérées. En 1997, le gouvernement a remplacé les allocations familiales universelles par des prestations fiscales dégressives selon le revenu familial et a introduit les places à contribution réduite en services de garde.

Près d’une décennie après la réforme, les calculs des fiscalistes montrent que ce sont surtout les familles dont le revenu dépasse 60 000$ qui bénéficient le plus du nouveau système. En 2000, plus de 58% des enfants en garde subventionnée provenaient d’une famille ayant un revenu supérieur à 60 000$ alors qu’ils ne représentaient que 49% des enfants de 0 à 4 ans au Québec.

De plus, les parents qui n’utilisent pas les garderies à 7$ sont désavantagés. En 2004, il s’agit de 48% des familles québécoises avec enfants de 0 à 4 ans. Ce groupe comprend ceux qui utilisent d’autres modes de garde comme la garde chez des parents ou la garde à domicile par des personnes autres que les parents et évidemment les grands oubliés, ceux qui assument eux-mêmes la garde de leurs enfants. Parmi les non-utilisateurs, il y a aussi des parents qui n’ont pas accès à ces services parce qu’ils patientent sur les listes d’attente.

Un système coûteux

Les coûts du nouveau système de garde ont augmenté à un rythme beaucoup plus rapide que le développement de nouvelles places subventionnées. Le montant des subventions versées aux CPE et garderies conventionnées est passé de 564 millions de dollars en 1999-2000 à 1 353 milliard en 2004-2005. Il a donc subi une augmentation de près de 140% en cinq ans. Le nombre de places, lui, a augmenté de seulement 96% durant la même période.

Les coûts des services de garde subventionnés du Québec sont également élevés comparativement à ceux des autres provinces. À Toronto par exemple, on rapporte que la garde d’un enfant de 3 ans coûte 9600$ par année, la moyenne canadienne étant de 6300$. Au Québec, c’est plutôt 11 600$ par année qu’il en coûte pour faire garder un enfant de 3 ans en CPE (incluant la subvention et la contribution des parents). Plus de ressources sont donc utilisées au Québec pour fournir le même genre de services.

Des pistes de solutions

Contrairement au Québec, la grande majorité des pays qui ont des politiques familiales actives offrent plus de choix aux parents. Deux instruments sont particulièrement intéressants: les bons pour services de garde (vouchers) et les allocations familiales universelles.

Si l’objectif est de faciliter la garde des enfants et la conciliation travail-famille, le gouvernement pourrait verser aux parents de chaque enfant utilisant présentement les services de garde sous permis un montant de l’ordre de 7000$ sous forme de bon, basé sur l’enveloppe budgétaire de subventions de 1 353 milliard $ en 2004-2005. Ce montant représente l’équivalent de 27$ par jour ouvrable. Le parent pourrait utiliser le bon pour défrayer une partie du coût de n’importe quel service de garde disposant d’un permis. Peu importe les modalités, ce système offrirait plus de choix aux parents. En créant une saine concurrence entre les offreurs de services de garde, il les inciterait également à mieux répondre aux besoins et préférences des familles notamment en termes d’horaire et de programme.

Si l’objectif est d’aider les familles en général, qu’elles utilisent ou non des services de garde, le gouvernement pourrait remettre aux parents un montant d’environ 3700 $ pour chaque enfant de 0 à 4 ans du Québec sous forme d’allocation directe ou de crédit d’impôt remboursable. Les parents qui n’utilisent pas présentement les services de garde seraient plus avantagés dans un tel système.

L’allocation familiale et le bon peuvent être combinés de multiples façons. Le gouvernement pourrait aussi ajouter une exonération de frais de garde, totale ou partielle, pour les familles défavorisées afin de les inciter à inscrire leur enfant en CPE.

Le recours à ces instruments permettrait d’éliminer les crisettes politiques que l’on observe, au Québec, lorsque le gouvernement décide d’augmenter la contribution parentale ou lorsqu’une garderie offre aux parents un service additionnel payant. Le gouvernement fixerait sa contribution, les services de garde fixeraient librement leur prix, et les parents décideraient librement du mode de garde approprié pour leur enfant en fonction du rapport qualité-prix des différents offreurs de services de garde.

Quels que soient les objectifs de politique familiale poursuivis il existe donc d’autres moyens plus efficaces d’y arriver. En offrant plus de choix aux parents, le Québec se rapprocherait d’autres pays ayant des politiques familiales bien développées.

Paul Daniel Muller est président de l’Institut économique de Montréal.

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