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Textes d'opinion

Le contrôle des loyers réduit la valeur des propriétés

Le contrôle des loyers, qui est instauré et renforcé périodiquement dans l’objectif de permettre aux ménages à revenus faibles de payer des loyers modestes, cause, hélas, une pénurie de logements et des pratiques (pots-de-vin, pas de porte, rachat des vieux meubles et discrimination) qui, en réalité, ne contribuent pas à aider les ménages visés par ledit contrôle. De plus, le contrôle des loyers procure uniquement un avantage aux locataires en place au moment où il est introduit. Ces derniers bénéficient d’une aubaine et ne se résignent pas à quitter leur logement même si leurs finances leur permettent d’accéder à la propriété. De nombreuses études ont montré que les appartements dont le loyer est contrôlé sont le plus souvent occupés par des professionnels de la classe moyenne. À ce sujet, une étude menée en 1994 (Rolfe GOETZE, Rent Control: Affordable Housing for the Privileged, Not the Poor. A Study of the Impact of Rent Control in Cambridge, Cambridge, Mass., GeoData Analysis, 1994) a indiqué que ce type de logements est surtout habité par des professionnels instruits tandis que les familles pauvres, les personnes âgées et les étudiants y ont très difficilement accès.

Finalement, le contrôle des loyers réduit, ou tout au moins limite, la valeur des propriétés, car elle est en partie basée sur les revenus de location. Comme les taxes municipales sont calculées en fonction de la valeur foncière, les villes voient leurs recettes fiscales diminuer et se tournent vers les autres contribuables pour combler leurs besoins financiers. Tous les payeurs de taxes se trouvent donc indirectement pénalisés par le contrôle des loyers et on pourrait longuement débattre de l’équité de cette forme de répartition.

Nous avons mentionné que l’objectif de notre analyse se limite à évaluer l’outil utilisé, soit le contrôle des loyers, et à déterminer s’il contribue à aider les ménages défavorisés. Nous avons conclu que cette forme d’intervention est un cancer dévastateur qui ronge graduellement l’immobilier locatif en plus de défavoriser les familles dans le besoin. Il reste à présent à identifier les conditions qui inciteraient les investisseurs à choisir la construction d’immeubles de rapport et qui motiveraient les propriétaires actuels à entretenir et à rénover leurs habitations. La solution est simple: il faut s’assurer que le logement locatif redevienne un investissement attrayant, donc rentable, et la seule manière d’y arriver est d’abandonner le contrôle des loyers et de permettre au locateur de récupérer le droit de regard sur sa propriété. Face à cette proposition, les activistes de gauche ne tardent pas à clamer leur indignation et leur mécontentement en prétextant que cette façon de faire augmentera les loyers et le nombre d’évictions, et qu’elle créera une foule de sans-abri.

Plutôt que de se perdre en spéculations sans fondement et de s’intoxiquer d’idées fausses, regardons comment le marché de l’immobilier locatif a réagi dans les villes où le contrôle des loyers a été aboli. En janvier 1997, les villes de Boston, Cambridge et Brookline ont été les premières grandes villes américaines à tenter l’expérience et non seulement les résultats ont été satisfaisants, mais aucune des prédictions terrifiantes des opposants ne s’est réalisée. Par suite de la déréglementation, la construction d’immeubles de rapport a augmenté pour la première fois depuis 25 ans, venant ainsi atténuer la hausse des loyers enregistrée initialement. À cet égard, une étude menée par la Ville de Cambridge (City of Cambridge, Mass., Housing Market Information, Cambridge Community Development Department, 20 juin 2003.) indique que le loyer moyen pour un appartement de deux chambres a affiché une baisse de 9,2% d’août 2002 à avril 2003.

Mais s’il est préférable d’abolir le contrôle des loyers, rien ne nous oblige à sacrifier par voie de conséquence les bonnes intentions qui l’ont initialement inspiré. Il reste possible de venir en aide aux familles démunies en leur fournissant une assistance financière. Celle-ci peut prendre la forme d’une allocation au logement ou de bons pour le logement déterminés en fonction du revenu du ménage. Ce système a le mérite d’être bon marché et, surtout, d’être efficace, car il ne modifie pas les incitations à la construction de nouveaux logements et à l’entretien des logements existants. Comme la pénurie est vouée à disparaître dans un système déréglementé, les propriétaires ne tarderont pas à sentir les pressions de la concurrence et redoubleront d’efforts pour attirer les locataires. La qualité des logements locatifs s’améliorera et il sera ainsi possible aux familles moins bien nanties de vivre dans des logements convenables sans y consacrer une part importante de leurs revenus, sans être victimes de discrimination et sans avoir à verser d’importants pots-de-vin.

Si le contrôle des loyers présente effectivement les faiblesses identifiées jusqu’ici et s’il est vrai qu’il nuit au segment de la population qu’il doit précisément aider, comment expliquer que nos dirigeants saluent cette intervention et n’hésitent pas à y avoir recours? En réalité, ce sont très souvent des considérations autres que l’efficacité qui motivent les gouvernements à instaurer et à maintenir un contrôle des loyers. Préoccupés par l’image qu’ils projettent et soucieux de plaire à l’électorat, les politiciens optent pour un contrôle des loyers, car cette intervention donne l’illusion d’un État qui a à coeur le bien-être des plus démunis et qui se préoccupe de leur assurer un niveau de vie convenable. Et même s’ils savent que leur intervention occasionnera d’importants effets pervers à plus long terme et qu’il serait préférable de libéraliser le marché, aucun homme politique ne risquerait sa carrière pour une action dont les bienfaits seront notables lorsqu’il aura quitté le pouvoir.

Le contrôle des loyers est une intervention qui offre une solution à court terme, qui assure aux politiciens la reconnaissance immédiate de certains électeurs et qui n’occasionne pas de dépenses fiscales. Ces trois critères sont, hélas, bien souvent suffisants pour qu’une intervention soit mise de l’avant sans analyse approfondie et sans se soucier des effets qu’elle occasionne à plus long terme sur l’ensemble d’un secteur.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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