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Textes d'opinion

À bas les monopoles!

Pourquoi n’y aurait-il pas une seule municipalité et un seul code de zonage au Québec? Pourquoi pas une seule commission des valeurs mobilières en Amérique du Nord? Parce que la centralisation comporte des coûts majeurs.

Le gouvernement fédéral cherche à remplacer les organismes provinciaux de réglementation des valeurs mobilières par un organisme pancanadien unique en faisant valoir que cela entraînerait des économies administratives. Mais ces économies sont largement illusoires. Après un demi-siècle de centralisation de l’éducation, de la santé et des affaires municipales, force est de constater que la centralisation finit généralement par coûter plus cher que la concurrence et l’innovation décentralisées.

Des économistes contestent les contrôles très stricts des marchés financiers, qui datent des années 1930 (1955 au Québec) et qui ont été sans cesse «nivelés par le haut» au cours des années. Le carcan imposé aux sociétés cotées aux États-Unis motive certaines à éviter les appels publics à l’épargne ou les pousse à s’inscrire sur d’autres marchés, comme la Bourse de Londres.

Dans une édition récente de la Oxford Review of Economic Policy, l’économiste Roberta Romano rappelait les avantages qu’offre aux entreprises américaines la décentralisation du droit des sociétés et la concurrence des États entre eux. Ce modèle, soutient-il, devrait être étendu à la réglementation des valeurs mobilières aux États-Unis.

Les économies qu’on croit pouvoir obtenir par une centralisation pourraient d’ailleurs être rendues possibles avec le système de la reconnaissance mutuelle, aussi appelé système des «passeports», qui en évite les coûts. Ainsi, un émetteur de l’Ontario qui satisfait aux normes de l’Ontario Securities Commission pourrait exercer ses activités aux Québec sans dédoubler ses obligations réglementaires. Les provinces – à l’exception de l’Ontario, qui appuie la centralisation – se sont déjà engagées dans cette voie.

La principale objection que l’on oppose à la reconnaissance mutuelle est le nivellement par le bas. Cet argument n’a pas de sens dans un contexte où les investisseurs peuvent choisir où placer leur argent, et pourraient fuir les réglementations qu’ils jugent inefficaces. Du reste, la reconnaissance mutuelle a grandement contribué à la construction du marché unique en Europe, où il n’y a pas de commission des valeurs mobilières centralisée. Cette solution est de plus en plus évoquée à l’international.

Le principal argument économique contre un organisme centralisé demeure son caractère monopolistique: aucune entreprise qui oeuvre sur le marché des valeurs mobilières au Canada ne pourrait échapper à son autorité. Un organisme de réglementation qui a une clientèle captive aura tendance à abuser de sa position de force. Actuellement, au contraire, une entreprise pourrait décider de faire affaire au Québec plutôt qu’en Ontario si la réglementation québécoise offre des règles plus efficaces.

La diversités des organisme réglementaires au pays pourrait offrir des occasions concurrentielles pour revigorer la place financière de Montréal.

Dans le domaine de la réglementation comme dans toutes autres, la concurrence respecte les conditions locales, offre des possibilités d’innovation, et atténue la tentation des bureaucraties de se comporter en petits rois.

Tasha Kheiriddin est vice-présidente exécutive de l’Institut économique de Montréal.

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