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Textes d'opinion

Petite histoire d’un grand succès

J’ai consacrée ma chronique de jeudi dernier au soi-disant «modèle suédois», et j’ai expliqué comment la montée de l’État-providence a occasionné l’appauvrissement marqué et rapide de ce pays.

Comme la misère et l’échec ne sont jamais une fatalité, j’ai choisi de présenter cette semaine un pays dont la fulgurante ascension vers les sommets a de quoi nous inspirer infiniment plus que la Suède: ce pays est l’Irlande.

L’Irlande était le 2e pays le plus pauvre de l’Europe en 1985, avec un taux de chômage de 20% et une croissance de l’emploi quasi nulle. La principale exportation de ce pays était sa propre population au point que les Irlandais de la diaspora étaient dix fois plus nombreux que ceux vivant sur la terre de leurs ancêtres. De 1974 à 1986, la croissance économique fut extrêmement faible et, exception faite de 2 années, l’État encourut des déficits qui dépassaient 10% du PIB, et accumula une dette publique équivalente à 111% du PIB!

Aujourd’hui, l’Irlande est le 2e pays le plus riche de l’Europe et a même devancé le Canada en se hissant au 13e rang du palmarès des pays les plus riches au monde! En moins de vingt ans, le déficit s’est résorbé et la dette publique ne représente plus que 30% du PIB. Le taux de chômage est tombé à 4,5%, ce qui implique une pénurie de main-d’oeuvre. Le marché du travail connaît une telle effervescence que les travailleurs irlandais, qui étaient autrefois les plus mal payés du monde développé, sont maintenant les mieux rémunérés.

L’Irlande attire aujourd’hui le quart de tous les investissements directs étrangers en Europe alors qu’elle était boudée jusqu’à récemment. Et contrairement à ce que prétendent certaines sources mal informées, la prospérité de l’Irlande a profité à tous les Irlandais, indépendamment de leur statut socio-économique. Aujourd’hui, plus de 80% des Irlandais sont propriétaires de leur logement et les demandes d’aide sociale sont devenues marginales bien que le montant de l’aide octroyée ait presque doublé. Finalement, les émigrés reviennent au pays et les immigrants sont si nombreux que le bilan migratoire est maintenant positif.

À tous ceux en quête d’un modèle, en voilà donc un qui mérite d’être suivi! Malheureusement, la recette irlandaise déplaira fortement à tous les adeptes du culte de l’interventionnisme, car elle contredit toutes leurs croyances. Depuis 1987, l’Irlande applique les principes de la liberté économique: l’État a subi une cure d’amaigrissement et les dépenses gouvernementales ont diminué. Le taux d’imposition sur le revenu est passé de 37% à 19%, ce qui encourage les Irlandais à travailler davantage puisqu’ils conservent 81% de leurs revenus. Quant à l’impôt des sociétés, il a diminué de 50% à 16%, avec pour résultat une hausse des investissements et de l’innovation.

De mauvaises langues minimisent le succès irlandais en accusant ce pays d’avoir profité des subventions européennes s’élevant à 56 milliards d’euros depuis 1973. Mais 44 euros par an et par habitant sont-ils suffisants pour accomplir un progrès aussi spectaculaire? Si c’était le cas, comment expliquer que davantage de pays subventionnés et que nos provinces atlantiques, qui reçoivent nettement plus d’argent, n’aient pas enregistré la même performance?

Quand on compare les résultats atteints par le libre marché à ceux de l’État-providence, la pensée de gauche devient un anachronisme inexplicable tant les preuves empiriques sont accablantes. Ceux qui se soucient réellement d’améliorer le niveau de vie de tous devraient comparer la Suède et l’Irlande. L’État-providence a appauvri un pays riche, tandis que le libre marché a enrichi un pays pauvre. À vous de choisir!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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