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Textes d'opinion

Nivellement par le bas!

Avez-vous fêté? Je ne parle pas de la fête nationale, ni de l’arrivée de l’été, ni même de la fin des classes, mais plutôt du jour de libération fiscale. Il y avait effectivement de quoi célébrer, car c’est le 27 juin que les Québécois cessent de travailler pour financer les dépenses de l’État et commencent à récolter le fruit de leur labeur. Le Québec est effectivement une société distincte, car c’est ici que le jour de la libération arrive le plus tardivement, soit une semaine plus tard que la moyenne canadienne, ce qui fait de nous les contribuables les plus taxés en Amérique du Nord.

Vu la contribution que les gouvernements exigent de nous, ils devraient nous être reconnaissants. Au lieu de cela, ils ne cessent de se lamenter et de crier misère en vue de nous préparer à une hausse éventuelle du fardeau fiscal. Or, quand 48% de notre temps de travail sert déjà à assouvir l’appétit fiscal de l’appareil gouvernemental, il faut se demander sérieusement jusqu’à quel point le travailleur peut être mis à contribution.

Évidemment, poser une telle question fera sursauter les partisans de la «solidarité» qui réclament toujours une plus grande redistribution de la richesse. Mais les Québécois ne font-ils pas déjà preuve de «solidarité» en partageant avec l’État presque la moitié de leur paie?

Souligner la lourdeur du fardeau fiscal déplaît également à tous ceux atteints de ce qu’on pourrait appeler le «syndrome de Caliméro», à cause de leur emploi systématique de la célèbre expression qui a fait la renommée de ce personnage de dessins animés. Ils affirment ainsi que les inégalités sociales sont injustes, vraiment trop injustes, et que seuls les impôts permettent de garantir l’égalité et la justice. Il est incontestable qu’une société doit se soucier de ses moins biens nantis. La question ne se pose même pas! Mais en quoi le fait de payer toujours plus d’impôts est-il juste?

Nous ne mettons par exemple pas tous la même énergie à faire notre travail ou à acquérir des connaissances. Certains ont passé de nombreuses années sur les bancs d’université, travaillent 65 heures par semaine, assument de lourdes responsabilités et ne ménagent pas leurs efforts. Pourquoi serait-il «juste» de vouloir rapprocher leur niveau de vie de celui de leurs voisins nonchalants?

Qu’on le veuille ou non, une fiscalité trop gourmande freine la croissance économique et la création de richesse, car elle nuit à l’épargne et à l’investissement, et décourage le travail, l’emploi et l’innovation.

Nous voulons tous assurer un niveau de vie décent aux plus défavorisés, mais l’obsession de l’égalité est contre-productive et contribue à créer une société fondamentalement injuste qui ira en s’appauvrissant. L’exemple des pays communistes, où la recherche de l’égalité primait sur tout, est éloquent. Récompenser le travailleur en fonction de ses efforts et de sa contribution est non seulement équitable, mais cela permet aussi à la société de progresser. En revanche, le seul nivellement que l’on peut escompter d’un lourd fardeau fiscal en est un par le bas. Et je mets quiconque au défi de prouver le contraire!

Une libération fiscale plus hâtive ne signifie pas que l’on se désintéresse du sort des moins nantis. Au contraire, en encourageant davantage le travail et l’initiative, une réduction des impôts permettrait d’augmenter les recettes fiscales.

Les pays qui ont pris cette avenue ont obtenu des résultats concluants. Qu’attendons-nous pour tenter l’expérience? À moins, évidemment, que le tabou de la richesse et la volonté de punir la réussite ne soient les véritables motivations des bien-pensants qui prétendent se soucier des démunis.

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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