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Textes d'opinion

Un autre plan inutile – «Avantage Québec» n’est que le dernier-né d’une longue suite de stratégies économiques qui ont marqué les 40 dernières années

Le ministre du Développement économique, Claude Béchard, cible le bon objectif lorsqu’il propose d’augmenter le revenu disponible des Québécois. À force de multiplier les programmes pour redistribuer la richesse, on a en effet fini par perdre de vue qu’il faut d’abord la créer.

Malheureusement, il s’y prend de la mauvaise façon. Son projet d’«Avantage québécois» n’est que le dernier avatar d’une longue suite de stratégies économiques qui ont marqué les quarante dernières années: «programme OSE» et son volet de «stimulation de l’investissement privé», «Bâtir le Québec», «Virage technologique», les sommets économiques, les grappes industrielles, et j’en passe.

Si les politiques de développement économique et le dirigisme pouvaient créer de la richesse, les Québécois seraient les plus riches en Amérique du Nord. Or, c’est exactement le contraire qui se passe. À $ 35 401, le PIB per capita du Québec – c’est-à-dire la valeur réelle de ce que peut consommer le Québécois moyen – est de 13% inférieur à celui de l’ensemble du Canada. Le plus inquiétant est que l’écart ne s’est pas rétréci au cours des années. Avec l’Ontario, par exemple, l’écart actuel est le même qu’il était au début des années 80. Une étude de Statistique Canada confirme que, entre 1990 et 2003, les provinces ont généralement convergé vers la moyenne canadienne, alors que l’écart entre celle-ci et le Québec a à peine bougé.

La situation est encore plus dramatique si l’on compare le Québec à l’ensemble de l’Amérique du Nord (excluant le Mexique). En 2004, le PIB per capita du Québec se situe au 55e rang des 60 États américains et provinces canadiennes. C’est dire que nous occupons le 6e rang de la queue – entre la Virginie occidentale au dessus et le Manitoba et le Mississipi (l’État américain le plus pauvre) en dessous.

Ce n’est certes pas parce qu’il n’y a pas assez d’État ici que le Québec est pauvre. Au contraire, c’est dans notre province que les impôts et les recettes du gouvernement provincial sont les plus élevés au Canada.

Sur le site «Avantage Québec», on lit que: «la prospérité du Québec est plus que jamais tributaire de notre capacité à dégager une vision commune de la situation, à nous entendre sur les priorités qu’il y a lieu de privilégier et à convenir des gestes importants à poser.» Or c’est en fait tout le contraire qu’il nous faut, à savoir: des idées indépendantes, de la concurrence et des choix privés. Les entrepreneurs qui réussissent ne sont pas ceux qui suivent les autres comme des moutons, mais ceux qui surmontent les difficultés pour réaliser un projet original auquel ils sont souvent les seuls à croire.

Dans son livre devenu classique, The Rise and Decline of Nations, l’économiste Mancur Olson écrit: «Une économie de marchés libre et sans intervention de l’État ou de cartels ressemble à un adolescent: même si elle fait plein d’erreurs, elle croît rapidement sans effort ou encouragement spéciaux.» Il explique qu’«il faut une quantité énormes de politiques stupides ou d’institutions instables ou viciées pour empêcher le développement économique».

Une bonne manière de repartir du bon pied serait que le gouvernement Charest, au lieu d’avoir de nouvelles idées interventionnistes, comme ses prédécesseurs, réduise les impôts comme il l’avait formellement promis à l’électorat québécois. C’est en réduisant les impôts qu’on donne aux investisseurs le goût d’investir plus; aux entrepreneurs le goût de créer plus d’entreprises; aux travailleurs le goût de travailler plus. Pas parce qu’ils s’entendent sur une «vision commune», mais tout simplement parce que leur motivation à faire tout cela est alors plus forte.

Tous ces objectifs font partie du plan du ministre Béchard ce qui, encore une fois, est en soi louable sauf qu’il aura plus de chance de les atteindre en suivant cette simple logique économique qu’en se lançant dans un autre de ces grands projets stratégiques pompeux qui ont tellement ralenti notre économie au cours des dernières décennies.

Michel Kelly-Gagnon est président de l’Institut économique de Montréal.

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