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Textes d'opinion

Des craintes injustifiées

Le transfert à l’étranger, notamment en Asie, de certaines activités de production – phénomène appelé délocalisation – soulève des inquiétudes. Aux États-Unis, plusieurs administrations publiques ont réagi en adoptant des mesures protectionnistes. Dans l’un de ces cas, l’État de l’Indiana a sauvé 50 emplois locaux à un coût de 162 000 $ US par emploi!

Économiquement, les délocalisations ne sont pas différentes de la simple importation de biens et de services. Les deux phénomènes s’appuient sur les bénéfices de la spécialisation et la loi des avantages comparés. C’est pour la même raison que toutes les entreprises ne sont pas situées à Toronto ou à Montréal. En produisant là où le coût est le moins élevé, les entreprises contribuent à l’efficacité économique et, par conséquent, à l’accroissement du niveau de vie.

On estime ainsi que la mondialisation de la production a eu pour effet de réduire jusqu’à 30% le prix du matériel informatique.

L’adhésion du Mexique à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) offre aussi ses avantages. Une dépêche de La Presse Canadienne, publiée par le quotidien La Presse du 28 juillet 1993, titrait: ALENA: 371 000 emplois pourraient être transférés au Mexique, selon le CTC. La catastrophe ne s’est jamais produite. Les opposants au libre-échange nord-américain ne tenaient pas compte des avantages de la spécialisation internationale ni de l’incitation à l’innovation qu’allait provoquer une plus grande ouverture des marchés nationaux.

Nos entreprises ont fait face à la concurrence en augmentant leur productivité et en cherchant de nouveaux créneaux. La valeur du commerce bilatéral de marchandises entre le Canada, d’une part, et les États-Unis et le Mexique, d’autre part, a presque doublé entre 1994 et 2004.

Les travailleurs y ont trouvé leur compte: en 2003, on avait ajouté 105 000 emplois dans le secteur de la fabrication au Québec, et 474 000 de plus au Canada, comparativement au moment de l’entrée en vigueur de l’ALENA 10 ans auparavant. Et ces emplois sont généralement mieux rémunérés: le pourcentage des travailleurs du secteur de la fabrication gagnant 25 $ l’heure ou plus (compte tenu de l’inflation) est passé de 14% en 1997 à 18% en 2004.

Une économie flexible s’adapte rapidement, comme le démontre l’histoire économique. En 1901, l’agriculture employait plus de 40% de la main-d’oeuvre canadienne. Un siècle plus tard, cette proportion n’est que de 2%.

Enfin, n’oublions pas que le Canada est l’une des destinations de délocalisation les plus prisées du monde – avec l’Inde, l’Irlande et Israël -, notamment par les compagnies américaines. Dans un monde de délocalisation nulle, les Canadiens seraient perdants.

Les pouvoirs publics n’ont toujours pas adopté de mesures protectionnistes. Le ministre canadien du Commerce international, James Scott Peterson, a bien expliqué pourquoi: «On ne peut arrêter l’évolution du marché du travail en recourant au protectionnisme sans avoir à payer un prix élevé aujourd’hui et dans les années à venir. Le protectionnisme ne protège personne. C’est une doctrine erronée fondée sur la croyance que l’on peut arrêter le temps.»

Méfions-nous également du protectionnisme par la porte arrière, comme cette idée qui circule selon laquelle Québec devrait accorder des contrats sans appel d’offres pour protéger l’emploi dans les entreprises d’ici.

Michel Kelly Gagnon est président de l’Institut économique de Montréal.

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