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Textes d'opinion

La pollution, c’est du gaspillage!

Les groupes écologistes du monde entier célébraient le Jour de la Terre la semaine dernière. Selon plusieurs d’entre eux, la recherche du profit aurait de tout temps incité les entreprises à rejeter leurs déchets dans la nature. Dans ce contexte, les intérêts de quelques gros actionnaires mèneraient inévitablement à l’affaiblissement des normes environnementales et la destruction des écosystèmes.

Cette perspective est cependant étrange. Après tout, pourquoi des gens d’affaires qui ont payé cher leurs intrants ne feraient-ils pas tout en leur possible pour les utiliser au maximum plutôt que de les retourner à perte dans la nature? En fait, l’examen historique de n’importe quel secteur industriel révèle rapidement de nombreux cas de valorisation des résidus qui furent à la fois profitable pour les entreprises et bénéfiques pour l’environnement.

Par exemple, au dix-neuvième siècle, les déchets de la tournure du cuivre étaient utilisés dans une foule d’industries allant des teintures à l’électrolyse en passant par le chaulage du blé, tandis que les résidus de la production de mélasse servaient à la fabrication du cirage, des apprêts pour la teinturerie, des moules pour le coulage des fontes, des bonbons et comme ingrédient de base dans l’alimentation du bétail.

Le phénomène était si répandu à l’époque que le journaliste britannique Frederick Talbot observe en 1920 que «relater l’histoire de toutes les fortunes qui ont été amassées à partir de ce qui était auparavant rejeté et sans valeur requerrait un volume. Cette histoire est cependant un roman fascinant qui a peu d’égal dans toute la sphère de l’activité humaine.»

Pourquoi la très grande majorité des entreprises agissent-elles de la sorte? Tout simplement parce que, comme l’observe Karl Marx lui-même quelques décennies plus tôt, la valorisation des déchets permet de réduire les coûts de production et d’augmenter les revenus, ce qui «fait monter… le taux de profit.»

Plusieurs entreprises québécoises agissent aujourd’hui de la même façon. Par exemple, les usines québécoises de papier utilise maintenant des résidus de scieries (copeaux, sciures et rabotures) qui étaient encore il y a quelques années enfouis ou brûlés en pure perte, ce qui entraînait des coûts importants et des retombées environnementales négatives (eaux d’écoulement et fumée). Une autre forme de valorisation des résidus de scierie est le développement de «produits d’ingénierie» tels que des panneaux et des dalles d’aggloméré fabriqués à partir de copeaux.

L’utilisation croissante de ces déchets a également permis de mettre fin au flottage du bois, une pratique qui avait elle aussi des retombées environnementales négatives et qui nuisait à la valeur récréative de nos cours d’eau. Les écorces du bois sont maintenant brûlées dans des chaudières pour produire de la vapeur et de l’électricité et génèrent par le fait même des économies substantielles.

Loin d’être rentable, la pollution est une forme de gaspillage qui nuit habituellement à la profitabilité des entreprises. Il a donc toujours été dans l’intérêt des industriels de la diminuer le plus possible et de la transformer en une nouvelle ressource. Comme l’illustre l’histoire économique, l’existence d’un déchet industriel n’est souvent qu’une phase transitoire dans l’attente de la mise au point d’une technique d’exploitation profitable qui verra le jour si les entreprises demeurent libres d’innover.

Pierre Desrochers enseigne au Département de géographie de l’Université de Toronto et est chercheur associé à l’Institut économique de Montréal. Il est l’auteur du Cahier de recherche intitulé Concilier profits et environnement: le recyclage des déchets industriels dans une économie de marché.

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