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Textes d'opinion

Santé: plus d’argent n’est pas la solution

Les coûts croissants du système de santé résultant du vieillissement de la population, des innovations technologiques, des nouveaux médicaments qui, tout en étant plus performants, coûtent plus cher, ne sont pas nouveaux pour quiconque a examiné la question de près ou de loin. Le gouvernement semblait cependant ignorer le problème. Lorsqu’il l’a découvert il y a quelques jours, le ministre François Legault a proposé de remédier à la situation à l’aide d’une injection de 1,8 milliard de dollars dans l’immédiat et une augmentation des budgets de la santé et des services sociaux de 5,2% chaque année par la suite.

Le taux de 5,2% a été proposé par la Commission Clair sur la base de nombreuses études qui ont examiné les tendances démographiques et l’inflation anticipée au cours des prochaines années. Si ce taux fait consensus, il ne doit pas occulter le fait que les implications des chiffres annoncés par M. Legault sont majeures.

Le montant de 1,8 milliard représente une augmentation d’environ 10% du budget actuel de la santé et des services sociaux, ce qui est assez considérable. Une augmentation d’une ampleur comparable a cependant déjà été observée en 1998 suite aux quelques coupures effectuées en 1995 et 1996 (le budget de ce portefeuille avait augmenté de 1,67 milliard en 1998, ce qui représentait 12,9% du budget de l’année précédente). Si cette augmentation a quelque peu bénéficié à notre système de santé, il faut cependant reconnaître qu’elle n’a pas donné lieu à des résultats spectaculaires.

La part des dépenses publiques en santé au Québec représentait 7,5% du PIB en 2001-2002. Avec l’augmentation prévue de 1,8 milliard, et avec une anticipation de croissance du PIB de 5,2% (une hypothèse très optimiste dans la mesure où le PIB n’a crû à un taux supérieur à 5,2% que sur deux années ans au cours de la dernière décennie), cette part atteindrait 7,85%. Ce dernier chiffre se compare cependant assez bien à la moyenne des autres provinces canadiennes et est, dans l’ensemble, plus élevé que dans la plupart des pays avancés.

Selon l’OCDE, la part du PIB consacré aux dépenses en santé est de 7,2% en France, 5,9% au Royaume-Uni et 6,6% en Suède. Détail intéressant, ces pays ont généralement une meilleure performance de leur réseau de santé selon les différents critères compilés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La France s’est classée première en 2000, le Royaume-Uni 18e et la Suède 23e, tandis que le Canada ne se classait qu’au 30e rang. L’OMS ne compile pas de données pour les provinces, mais tout indique que le classement du Québec aurait été comparable à celui du Canada.

Contre-performance

Comment expliquer cette contre-performance du Canada et du Québec? La réponse est complexe, mais il est intéressant de constater que tous ces autres pays permettent certaines formes de partenariats privé-public et de financement privé. Rien ne garantit donc qu’une augmentation des dépenses publiques va améliorer la situation québécoise sans une révision fondamentale de certains aspects de notre système.

Par ailleurs, même en supposant un scénario optimiste où des injections supplémentaires de fonds publics sans réformes fondamentales permettront de réduire les listes d’attente et de remédier aux différents problèmes de manque de personnel et d’équipements, l’annonce du ministre Legault ne doit pas occulter l’impact de ces mesures sur les finances publiques québécoises. Comme le communiqué du ministère le précise, on estime que les revenus du gouvernement augmenteront de 3,7% par année en moyenne pour les prochaines années. Il s’agit d’un écart avec la croissance des dépenses en santé de 1,5%, soit environ 300 millions de dollars par année, en plus de l’investissement initial de 1,8 milliard.

Les dépenses en santé et services sociaux comptent aujourd’hui pour plus de 40% des dépenses de programme du gouvernement provincial et elles accaparent 41% de ses revenus autonomes (i.e. les revenus excluant les transferts du gouvernement fédéral). Dans la mesure où le gouvernement ne veut pas procéder à une révision fondamentale de notre système, il n’a que trois options. La première est de nous replonger dans la spirale de l’endettement public. La seconde est d’imposer encore davantage les contribuables québécois qui sont déjà les plus lourdement taxés d’Amérique du Nord. La dernière est de couper dans d’autres secteurs, tels que l’éducation ou les infrastructures.

Le problème des coûts croissants en santé est un problème de longue durée et il faut lui trouver des solutions durables.

Si le gouvernement choisit de taxer davantage, il faut garder à l’esprit que, comme la population vieillit, il y a parallèlement de moins en moins de jeunes pour travailler et payer les impôts. Selon les projections actuelles, le nombre de personnes âgées par personne en âge de travailler passera de son niveau actuel de 18% à 31% en 2020. A-t-on songé aux taux d’imposition qui seront alors nécessaires pour combler les besoins de cette population vieillissante?

Responsabiliser les gens

L’idée de responsabiliser les gens est la bienvenue, mais la meilleure façon d’y parvenir est de donner aux individus et aux organismes les bonnes incitations. Ce processus est bien plus efficace que l’imposition de plusieurs niveaux de contrôle dont les coûts administratifs peuvent être exorbitants et dont les résultats ne sont pas garantis. Environ 24% de l’effectif syndiqué des établissements du réseau de la santé est composé d’ouvriers et de personnel de bureau, une proportion qui semble bien élevée. La responsabilisation des consommateurs doit également emboîter le pas à celle des administrateurs et des dispensateurs de soins. Une bonne façon d’y parvenir serait de leur donner le choix de disposer de leur revenu après impôt selon leurs désirs et leurs préférences.

Norma Kozhaya est économiste à l’IEDM.

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