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Textes d'opinion

Commerce électronique: il faut privilégier l’exemption de taxes

Le commerce électronique entre entreprises et consommateur en est à ses débuts et ne représente encore que 0,2%. des ventes au détail au Canada. La proportion des internautes faisant des transactions en ligne a tout de même doublé de 1997 à 1999; le quart des adeptes du Web réalise désormais des transactions. Cette croissance rapide suscite un débat sur la pertinence d’appliquer ou non les taxes de vente sur les transactions en ligne.

On sait qu’aux États-Unis, le gouvernement a proclamé un moratoire jusqu’en octobre 2001. En Californie, berceau du commerce électronique, le gouverneur de l’État a opposé son veto à un projet de loi qui aurait élargi l’application de la taxe de vente aux transactions en ligne. L’Union européenne étudie l’option d’obliger les sociétés étrangères qui vendent aux Européens à prélever la taxe sur la valeur ajoutée.

Au Canada, les vendeurs en ligne sont tenus de percevoir la TPS lorsque l’acheteur est canadien. Toutefois, comme les taxes provinciales doivent être prélevées sur les lieux de la transaction, une partie du commerce électronique échappe à la taxation des provinces.

Si vous êtes résident du Québec et achetez d’une entreprise établie au Québec, vous paierez la taxe provinciale. Si vous achetez d’une entreprise d’une autre province, cette entreprise n’est pas tenue de vous faire payer la taxe qui s’applique sur son territoire, et elle n’a pas à percevoir la taxe du Québec. Le vide juridique constitue de facto une exemption de taxe provinciale dans le cas du commerce interprovincial.

Le commerce électronique a de nombreux avantages et les gouvernements ont intérêt à encourager son développement. Entre autres, il réduit les coûts de transaction des agents économiques, augmente la productivité des organisations et facilite les échanges internationaux. De plus, il assure une plus grande transparence au mécanisme des prix puisqu’il suffit de quelques clics de souris pour comparer les offres de divers producteurs. Ceci augmente la concurrence sur les divers marchés, au bénéfice des acheteurs.

Une exemption fiscale faciliterait la transition vers une situation où les transactions en ligne seront courantes. Les premières études suggèrent qu’aux États-Unis, le commerce virtuel a progressé plus rapidement dans les États où la taxe de vente sur le commerce «réel» est la plus élevée. Les consommateurs de ces États sont donc poussés à augmenter leurs achats en ligne pour éviter la taxe de vente locale.

Il faut se demander si un moratoire ne créerait pas, comme le soutiennent des économistes américains, une distorsion dans le marché permettant à certains agents économiques d’utiliser cet outil pour simplement éviter de payer les taxes de vente. Or ce sont les avantages comparés propres au commerce électronique qui devraient assurer son développement et non une subvention prenant la forme d’une exemption fiscale.

Un récipiendaire du prix Nobel en économie, Gary S. Becker, soutient que l’approche de ses collègues est statique et qu’il faut avoir une vision plus large. On devrait tenir compte de l’effet dynamique de cette exemption fiscale: si le commerce électronique n’est pas taxé, les marchands du monde réel vont faire pression pour être également exemptés de la taxe de vente. Cette requête devrait faire baisser les taxes et réduire la progression ou le niveau des dépenses publiques, ce qui s’avère positif pour l’économie.

Comme l’explique Sally Pipes du Pacific Research Institute, les États en Amérique du Nord sont en ce moment submergés par les surplus et n’ont aucunement besoin de cette nouvelle source de revenus.

On a exagéré la menace que représente le commerce électronique pour les entreprises traditionnelles. Même dans le secteur des services, des entreprises Internet ont peine à supporter la concurrence des firmes traditionnelles qui offrent des services en ligne à leurs clients; plusieurs doivent revoir leur modèle d’affaires pour avoir pignon sur rue.

Plusieurs entreprises du monde réel se sont tournées vers le commerce électronique et des enquêtes montrent qu’elles dominent le monde des transactions en ligne. Les entreprises avec pignon sur rue peuvent donc profiter pour une partie de leurs ventes de l’exemption fiscale. De plus, une importante proportion des internautes préfèrent examiner les produits en ligne et acheter en magasin.

Si l’argument de l’équité fiscale est techniquement juste, les marchands du monde réel sont relativement peu touchés par le moratoire de la taxation sur les transactions Internet et peuvent même en profiter. L’exemption fiscale sur les transactions en ligne peut donc constituer un moyen efficace d’inciter les entreprises à faire le saut vers le commerce électronique et en propager les bénéfices à toute l’économie canadienne.

 

Michel Kelly-Gagnon est président de l’IEDM.

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