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Textes d'opinion

L’impôt proportionnel: Une option à envisager sérieusement

Depuis que nous sommes entrés dans une ère de surplus budgétaires, le débat des impôts s’est déplacé non seulement vers les moyens de réduire le fardeau fiscal des contribuables, mais aussi sur le fait de savoir comment rendre le système fiscal plus équitable et plus compétitif. La Commission parlementaire sur la réduction de l’impôt des particuliers instaurée par le gouvernement provincial actuel s’est récemment penchée sur ce sujet. Notre Institut y a d’ailleurs présenté un mémoire le 14 octobre dernier. L’Institut économique de Montréal considère que l’annonce récente du gouvernement albertain d’instaurer un impôt à taux proportionnel («Flat Tax») mérite l’attention de tous ceux qui s’intéressent au débat. Or, au Québec, cette annonce a été jusqu’à maintenant largement ignorée.

Ainsi, selon le plan dévoilé en mars dernier par le ministre des Finances de l’Alberta, M. Stockwell Day, les revenus de tous les contribuables albertains seront, à partir de janvier 2002 (et peut-être même dès janvier 2001), imposés uniformément à un taux de 11%. À titre de comparaison, l’impôt provincial actuellement en vigueur au Québec varie entre 20 et 26%, selon la tranche de revenu imposable. À 25 000.00$ et moins par année c’est 20%, de 25 à 50 000.00$ c’est 23% et à partir de 50 000.00$ le taux passe à 26%.

Autrement dit, le plan albertain aura pour effet de faire disparaître les différents barèmes d’imposition ajustés au revenu. Ce nouveau système fiscal risque d’être plus simple et plus transparent. Mais aussi plus facile à comprendre et donc moins coûteux (en terme d’honoraires professionnels de toute sorte) pour le contribuable qui doit produire chaque année sa déclaration d’impôt. Enfin, selon une étude de l’IRS (le Revenu Canada américain), les autorités fiscales pourraient également réaliser d’importantes économies au niveau du coût de l’administration du système de perception d’impôt. Ce dernier avantage a par contre comme pré-condition une abolition de la plupart des exemptions spéciales.

Parce que les barèmes d’imposition les plus élevés seront réduits, on pourrait à prime abord penser que cette réforme ne favorisera que les riches. Toutefois, une autre mesure essentielle de la réforme est la hausse simultanée des exemptions personnelles à 11 620 $. S’ajoute à cela des exemptions additionnelles pour le conjoint et les enfants à charge, ce qui, au total, correspond à une baisse de la portion imposable du revenu pour les gens dont les revenus sont modestes. Le gouvernement albertain estime que 78 000 familles à faible revenu ne paieront désormais plus d’impôt suite à cette réforme.

En fait, cette réforme résultera en une baisse générale des impôts pour tous les Albertains.

Mais les avantages du projet de Stockwell Day ne s’arrêtent pas là. En effet, lorsque les incitations au travail diminuent, la quantité de travail – et donc la quantité de biens produits – diminue elle aussi. L’impôt «progressif» actuel, qui fait en sorte que plus une personne travaille et augmente son revenu, plus elle est fortement taxée, a justement l’effet d’une incitation négative à travailler. En fixant le taux d’imposition à 11%, quel que soit le revenu, on s’assure donc que plus personne n’arrivera à la conclusion qu’à un certain moment, il ne sert plus à grand-chose de travailler plus ou de chercher à obtenir des revenus supplémentaires parce que «de toute façon, l’impôt va venir me l’enlever». La productivité de chacun, et conséquemment celle de l’économie en général, ne peut en principe qu’augmenter dans un tel contexte.

Après l’entrée en vigueur de cette nouvelle formule d’imposition, l’Alberta deviendra certainement un endroit plus attrayant pour les travailleurs les plus mobiles, diminuant ainsi le coûteux «brain drain».

Notons que l’option d’un impôt proportionnel a justement été abordée par une étude récente de notre Institut (Fiscalité des Québécois et croissance, par Jean-Luc Migué et Michel Boucher, Institut économique de Montréal, Octobre 1999, p. 37).

La conclusion principale était à l’effet que l’impôt proportionnel abaisserait le coût politique de la fiscalité en retirant aux politiciens l’une des sources principales de leur pouvoir, soit le pouvoir de vendre aux électeurs des bénéfices fiscaux particuliers et discriminatoires. Autrement dit, mieux vaut un fardeau fiscal bas pour tous plutôt qu’un système complexe d’échappatoires et d’exemptions.

En conclusion, quel que soit le régime fiscal qu’il décidera d’adopter dans les années à venir, le Québec n’aura pas le choix d’observer de près les résultats concrets que générera le modèle albertain.

 

Michel Kelly-Gagnon est président de l’IEDM.

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