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Textes d'opinion

Santé: au-delà de l’argent, des tabous à renverser

Dans le débat actuel sur le financement de la santé, la position adoptée par presque tous les partis politiques et les intervenants du milieu est que le système peut être maintenu, et même amélioré, moyennant l’injection de quelques milliards de dollars supplémentaires.

Au cours des derniers mois cependant, divers commentateurs, dont l’ex-premier ministre Lucien Bouchard, ont souligné qu’un financement toujours croissant ne peut pas être une solution à long terme et qu’il faudrait envisager des réformes plus radicales, telle une ouverture accrue au secteur privée.

Il n’est pas inutile de rappeler quelques faits incontournables de la réalité financière, qui devront un jour ou l’autre être reconnus par ceux qui croient qu’on peut apporter une solution durable aux problèmes du système simplement en y engloutissant plus d’argent.

Les dépenses en santé au Canada n’ont cessé de gonfler au cours des dernières années. Les fonds consacrés à ce secteur par les gouvernements provinciaux ont crû de 194% au cours des deux dernières décennies, ou de 5,9% par an en moyenne.

En termes réels, donc en ajustant pour l’inflation, ces dépenses ont crû de 88% soit de 3,4% par an en moyenne, un taux de croissance plus élevé que celui du PIB canadien (3,08%).

Les dépenses en santé accaparent une part de plus en plus importante des budgets des provinces. Les dépenses de programme (soit les dépenses sur tous les postes budgétaires excluant le service de la dette) ont en effet crû à un taux annuel moyen de 2,1% entre 1983 et 2003, toujours en termes réels.

C’est donc un écart de 1,3% par année qui sépare les besoins grandissants en santé des ressources consacrées à tous les programmes par les gouvernements. La part des dépenses en santé dans les dépenses totales de programmes est ainsi passée de 32,1% en 1983-84 à 41,3% en 2002-03.

La situation au cours des cinq dernières années est encore plus préoccupante. La croissance des dépenses provinciales en santé en termes réels a été de 5,5% par an en moyenne au cours de cette période alors que l’ensemble des dépenses de programmes n’a crû que de 3,1% en moyenne.

Les projections sur l’évolution de ces dépenses laissent entrevoir des augmentations au moins tout aussi importantes dans les années qui viennent.

Il est fort probable que les gouvernements réagiront avant que la situation ne devienne intenable pour le trésor public. Mais si l’on devait poursuivre l’évolution des deux dernières décennies jusqu’en 2023, plus de la moitié des dépenses de programmes, soit 53%, iraient alors à la santé, laissant la portion congrue aux autres portefeuilles.

Malgré une certaine exagération, Jean Charest avait raison de sonner l’alarme récemment en déclarant que «Au rythme où cela va, il ne va rester qu’un ministère dans quinze ans, celui de la Santé… Les autres n’existeront plus.»

Les effets du vieillissement

Parmi les données qui nous permettent de prédire une augmentation des coûts, la proportion croissante de personnes âgées est la mieux établie, à cause de la relative stabilité des prévisions démographiques. Environ 50% des dépenses totales en santé dans la vie d’un individu se font après 65 ans. Or, la proportion des personnes âgées de 65 ans et plus dans la population au Canada passera de 12,5% en 2000 à 18,4% en 2020 et 21,4% en 2026.

Ainsi, si l’on tient compte exclusivement du vieillissement de la population tel que projeté par Statistique Canada, on peut prévoir que les dépenses en 2020 seront d’environ 23% supérieures à leur niveau de 2000-2001.

En d’autres mots, en appliquant à la population de 2000 la structure d’âge de la population de 2020, et en reprenant les données sur les dépenses par personne selon l’âge de 2000-2001, il ressort que les dépenses totales seraient 23% plus élevées.

Cette augmentation des besoins en santé due au vieillissement de la population est difficilement compressible puisqu’elle provient de facteurs naturels sur lesquels nous n’avons aucun contrôle.

Notons que le phénomène de vieillissement commencera à se faire sentir en particulier à partir de 2011, année où les premiers baby boomers atteindront 65 ans. Cet effet ira en augmentant par la suite jusqu’à la fin des années 2020.

En 2026 par exemple, le vieillissement à lui seul entraînera une augmentation des dépenses publiques en santé de 33% par rapport à 2000.

Le système de santé canadien s’est détérioré au cours des dernières années et ce malgré l’injection de milliards de dollars supplémentaires par les gouvernements. Une simple augmentation des dépenses publiques ne suffira pas à résoudre les problèmes ni à combler les besoins d’une population vieillissante.

Le Canada reste l’un des rares pays au monde où il existe toujours un monopole public dans la fourniture de soins de santé jugés médicalement nécessaires.

De nombreuses avenues de réforme sont envisageables, même à l’intérieur du cadre de la loi canadienne de la santé.

Il est temps de renverser les tabous qui nous empêchent d’envisager sérieusement ces alternatives.

Norma Kozhaya est économiste à l’IEDM.

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