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Textes d'opinion

Quand trop d’impôt tue l’impôt!

Peut-on augmenter les recettes fiscales en diminuant les taux d’imposition? Bien que cette idée date d’au moins deux siècles, elle a surtout été popularisée par l’économiste américain Arthur Laffer au milieu des années 1970. Le trait de génie de Laffer a été d’illustrer au moyen d’une courbe en forme de cloche l’idée d’un taux marginal d’imposition au-delà duquel les recettes fiscales diminuent. Partant de zéro pour des impôts inexistants, les revenus de l’État augmentent progressivement jusqu’à un certain niveau de taxation avant de diminuer et de retomber à zéro lorsque les prélèvements sont de 100%, décourageant alors toute forme d’activité économique.

L’essentiel de l’argumentation de Laffer repose sur son analyse de l’augmentation considérable du poids de la fiscalité américaine entre 1916 et 1921. À l’époque, le Trésor américain alourdit ses taux de progressivité de 7 à 77%, mais ses rentrées fiscales demeurent sensiblement les mêmes. Laffer en conclut que des taxes plus élevées exercent des effets dépressifs sur le comportement des agents économiques.

Comme se le disent à un moment ou à un autre les contribuables qui se sentent surtaxés: «À quoi bon travailler davantage si le fisc est pour me saisir la majorité de mes revenus supplémentaires?» Les gens travaillent alors moins ou travaillent au noir, ce qui diminue la création de richesse et par le fait même les rentrées fiscales de l’État. Selon la formule consacrée: «Trop d’impôt tue l’impôt!»

Mais la courbe de Laffer suscite la controverse depuis son apparition, notamment parce qu’elle contredit le modèle statique de comptabilité retenu par la plupart des administrations publiques. Pour celles-ci, il existe un montant fixe de revenu gagné dans l’économie, si bien que l’on devrait observer une corrélation directe entre les taux d’imposition et les rentrées fiscales.

L’opposition entre ces deux façons de voir a donné lieu à une controverse importante et à un grand nombre d’études empiriques depuis une vingtaine d’années (pour une synthèse, voir Martin Feldstein et Alan Auerbarch, The Handbook of Public Economics, Vol. 3).

Si toutes les études ne soutiennent pas la conclusion la plus radicale de Laffer, soit qu’une baisse de l’impôt débouche automatiquement sur des rentrées fiscales plus importantes pour l’État, la très grande majorité d’entre elles démontrent néanmoins l’effet nocif des taux marginaux élevés sur l’offre de travail, les investissements et la propension à prendre des risques et à innover.

Par exemple, Martin Feldstein de l’Université Harvard, soutient qu’une hausse de 10% des taux d’imposition sur le revenu aux États-Unis en 1995 aurait entraîné une perte d’efficacité d’environ 40 milliards (G$) US.

Il observe également que cela aurait permis d’augmenter les recettes fiscales de 26 G$ US seulement, au lieu des 56 G$ US auxquels on devrait s’attendre si les gens et les entreprises ne modifiaient pas leur comportement. Selon Feldstein, l’effet d’une baisse serait comparable.

Bien qu’elle ne fasse pas l’unanimité, la théorie de Laffer a au moins le mérite de nous rappeler qu’il faut créer la richesse avant de la redistribuer et qu’une fiscalité plus compétitive est un bon moyen pour y arriver.

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