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Les revenus de l’État et les promesses des partis – Équilibré? Oui. Responsable? Non.

La vérificatrice générale a récemment annoncé la couleur : les prévisions du gouvernement sortant semblent plausibles dans tous leurs aspects les plus importants; les partis engagés dans la campagne savent à quoi s’en tenir.

En somme, bien que des médias aient rapporté un chiffre cumulatif de 20 milliards de dollars de promesses en seulement une semaine (!), lorsque les cadres financiers complets et détaillés seront tous disponibles, il serait surprenant – et bien peu crédible – qu’un parti aille à l’encontre des conclusions de la vérificatrice. On peut supposer qu’aucun ne le fera sciemment.

Mais un cadre financier équilibré n’est pas pour autant synonyme d’un cadre financier sage. Malgré le remboursement au moyen du Fonds des générations cette année, la dette continuera à croître et le parti qui gagnera les élections fera bien de garder cette réalité à l’esprit.

En effet, bien que le poids de notre dette diminue par rapport à la taille de l’économie, ce même poids reste le plus élevé des provinces canadiennes après Terre-Neuve-et-Labrador. De plus, l’équilibre des cadres financiers ne réduit pas en soi le fardeau fiscal des Québécois, qui demeure le plus lourd du Canada : si l’État dépense beaucoup et qu’il n’engendre pas de déficit, c’est forcément que les impôts sont élevés.

Prévoir la météo économique

Une autre raison de ne pas accorder trop d’importance à un cadre financier est que les prévisions budgétaires, même « plausibles », n’ont de la valeur que si elles se réalisent; ce sont des bulletins météo économiques. Si vous partez en vacances pour une semaine et que la température s’annonce favorable, vous allez tout de même prévoir d’autres options ou à tout le moins traîner des imperméables. Imaginez quatre ans… Les incertitudes pouvant faire capoter les plans les plus sages sont nombreuses en ce moment.

Même dans l’hypothèse d’une fin heureuse à la renégociation de l’ALENA, le commerce international est chaque jour à un gazouillis près de se heurter à une nouvelle barrière tarifaire.

Et bien que le Canada tarde à réagir à la récente baisse de l’impôt sur le revenu des entreprises aux États-Unis, d’autres pays sont déjà à l’œuvre. Des baisses d’impôt sont déjà prévues en France, en Belgique, en Suède et ailleurs. En avril dernier, le Fonds monétaire international prévoyait des baisses d’un à trois points de pourcentage en réaction à la baisse américaine à travers le monde.

Lorsque les gouvernements canadiens réaliseront qu’ils n’ont pas les moyens d’ignorer cette nouvelle réalité, les efforts ne pourront pas venir que d’Ottawa; les provinces devront elles aussi baisser leur taux d’imposition du revenu des entreprises. Le prochain gouvernement pourrait bien ne pas avoir les moyens de ses ambitions dépensières.

Même sans grand chamboulement provenant du sud de notre frontière, l’économie peut ralentir. Qui avait prédit la crise financière de 2008 ? Celle de 2001 ?… Et celle de 1991 ? Où en sera le fardeau fiscal des Québécois après un ralentissement imprévu de l’économie ? Il ne faudrait pas que les promesses électorales, bien qu’actuellement à l’équilibre, mettent la table à un retour de la spirale des déficits de laquelle on sort à peine.

Le vrai déséquilibre

S’il existe un déséquilibre entre les promesses des partis et la capacité financière du gouvernement, il n’est (probablement) pas de nature financière, mais plutôt à propos du rôle déjà démesuré du gouvernement dans notre économie.

Dans le contexte actuel, presque chaque dollar additionnel de revenu devrait être consacré à des baisses d’impôts et à une réduction de la dette publique.

On a déjà atteint la limite quant aux sommes qu’on peut aller chercher dans les poches des Québécois. Lorsqu’en 2012, le taux d’imposition de la tranche la plus élevée est passé de 48 à 50 %, le nombre de contribuables mieux nantis a tout simplement diminué. Le même phénomène s’est produit récemment à Ottawa : les hausses d’impôts pour les contribuables les plus fortunés ont fait baisser les recettes fiscales au lieu de les faire augmenter, comme l’espérait le gouvernement.

En matière de finances publiques, l’équilibre fiscal demeure important, cela ne fait aucun doute. Il reste que c’est la diminution du fardeau des contribuables qui devrait être la principale préoccupation. Il serait temps qu’un politicien ait le courage de le dire.

Mathieu Bédard is Economist at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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