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Walmart, les pieds et les dollars

La décision de Walmart de mettre fin à son programme d’intégration de travailleurs présentant une déficience intellectuelle lui a attiré des reproches de toutes parts. Certaines de ces personnes travaillaient pour le géant du détail depuis près de 20 ans. Même le gouvernement du Québec a senti le besoin de publier un communiqué pour dénoncer la décision de l’entreprise.

En cette ère où l’on aime attribuer aux entreprises une part de responsabilité sociale, il est en effet difficile de prendre la défense de Walmart, une des plus grosses entreprises au monde. Mais lorsqu’on la prend sous un autre angle, l’affaire met en lumière des réalités qui nous amènent à davantage de nuances.

La première est le fait que la quasi-totalité des entreprises, au Québec ou ailleurs, ne font aucun effort particulier pour intégrer des personnes présentant une déficience intellectuelle, sans que cela fasse les nouvelles. Si Walmart n’avait jamais embauché ces personnes, bien peu de gens lui en feraient maintenant le reproche.

La seconde, plus importante, est que lorsqu’une entreprise est en situation de concurrence, elle finit toujours par subir les conséquences de ses décisions et de la perception que les consommateurs ont de celles-ci. Seulement deux jours après l’annonce initiale, Walmart avait déjà commencé à retourner sa veste et évoquait l’embauche directe des travailleurs remerciés. À Québec, un entrepreneur a profité de la controverse pour rappeler qu’il comptait engager 150 personnes handicapées au cours des prochaines années.

En somme, le libre marché nous permet de voter avec nos pieds et nos dollars, en plus de donner la chance aux entrepreneurs de saisir les opportunités qui s’offrent à eux. Lorsque la concurrence est présente, personne n’est obligé de faire affaire avec une entreprise dont il n’est pas satisfait du service ou dont il ne partage pas les valeurs. Heureusement!

Quand le choix fait défaut

Maintenant, si je vous parlais d’un conglomérat québécois qui abuse de sa situation de monopole en forçant ses clients à consommer ses services, sans se préoccuper de leur satisfaction, et recourant à toutes sortes de pratiques pour limiter ou empêcher la concurrence, n’y aurait-il pas là aussi matière à scandale?

Ce conglomérat, vous le connaissez bien, c’est le gouvernement du Québec, qui gère notamment nos systèmes d’éducation et de santé.

C’est le gouvernement qui choisit l’école de vos enfants : elle est déterminée par le code postal de votre résidence. Vous n’êtes pas satisfait de cette école ou des services qui y sont offerts? Vous pouvez demander une dérogation et tenter d’envoyer vos enfants à une autre école, mais celle-ci peut être refusée. Au lieu d’améliorer le service, on enchaîne les clients!

Vous vous présentez à l’urgence avec un enfant malade ou une blessure sérieuse qui ne met pas votre vie en danger. Cinq heures, six heures, sept heures passent… Sur le mur, on a pris la peine d’afficher que le temps d’attente n’est pas connu et qu’il ne sert à rien de le demander. Vous pensez à aller dans un autre hôpital, mais il n’est pas plus facile de savoir quelle est la situation ailleurs. Si vous partez, vous perdez votre place… Et, de toute façon, peu importe l’endroit où les services sont livrés, le fournisseur est le même : l’État.

Quelle entreprise pourrait traiter ses clients de la sorte depuis des décennies, survivre malgré tout et même prendre de l’expansion? Pourtant, comme il n’y a pas d’autre choix, vous savez que vous retournerez au même hôpital la prochaine fois, sinon à un autre où ça ne sera pas très différent. Vous ne pouvez pas voter avec vos pieds.

En plus, au lieu de donner plus de choix et d’augmenter la concurrence et la transparence, le gouvernement fait le contraire : il limite le choix des parents pour l’école de leurs enfants, il empêche la concurrence dans le réseau hospitalier, il abolit un organisme un peu trop indépendant qui mesure la performance du système de santé, et il finance généralement les écoles et les hôpitaux sans égard à leur performance ou à la satisfaction de leurs usagers. Vous ne pouvez pas voter avec vos dollars non plus.

Le plus étrange dans tout ça, c’est que plusieurs parmi ceux qui dénoncent des comportements qu’ils considèrent inacceptables lorsqu’il s’agit d’une entreprise, présentent une tout autre attitude lorsqu’il est question du gouvernement. Au lieu de souhaiter plus de choix et plus de concurrence, ils demandent à la restreindre, voire à l’éliminer.

Et, au lieu de dénoncer l’appropriation coûteuse et inefficace des ressources par le gouvernement, ils demandent de lui en donner toujours plus! Plus d’impôts, plus de dépenses, moins de concurrence!

Vous trouvez ça logique, vous?

Patrick Déry is a Public Policy Analyst at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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