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Caribous de Val-d’Or : une triste, mais sage décision

Le gouvernement du Québec va laisser les caribous de Val-d’Or disparaître. Ce geste peut paraître à première vue insensible. Mais, au contraire, il s’agit d’une décision réfléchie et raisonnable lorsqu’on analyse le problème en tenant compte de tous les acteurs concernés, et non uniquement du caribou.

Selon un rapport préliminaire sur la viabilité des caribous de Val-d’Or, publié la semaine dernière par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, les coûts de restauration de l’habitat de ces caribous, du suivi de leur population ainsi que les pertes économiques pour la région représentent, sur 50 ans, une facture de 76 millions $. C’est une moyenne de 1,5 million $ par année, un coût jugé trop élevé par rapport à la probabilité de sauver ces caribous.

« Nous croyons qu’il est préférable de mettre nos efforts sur les 7000 autres caribous du Québec, là où nous avons encore de bonnes chances de succès », a dit le ministre responsable Luc Blanchette.

La bonne approche

Québec adopte la bonne approche pour le cas de Val-d’Or et devrait faire de même pour les autres régions concernées. Rappelons que l’application intégrale des exigences d’Ottawa concernant le plan de rétablissement pour le caribou forestier réduirait considérablement les volumes de bois disponibles pour la récolte au Québec.

Cela pourrait entraîner des pertes de 740 millions $ pour l’industrie forestière et mettre en péril près de 5700 emplois au Québec seulement, soit au Saguenay–Lac-Saint-Jean, sur la Côte-Nord et dans le Nord-du-Québec.

Et pourquoi aurait-on mis tous ces emplois à risque? Pour sauvegarder – peut-être – près de 80 caribous forestiers par année. Autrement dit, nous aurions dû sacrifier 72 emplois par année pour la sauvegarde très incertaine d’un seul caribou, ce qui représente un coût de 9,4 millions $ par caribou potentiellement sauvé.

Cela est peut-être justifié si on est un militant écologiste peu préoccupé des coûts. Mais du point de vue des travailleurs, des entreprises et des centaines villages qui dépendent uniquement de ce secteur, cela ne fait aucun sens. Or, il appert que justement, la Loi sur les espèces en péril souligne que les aspects « socioéconomiques des collectivités devraient être pris en compte lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des mesures de rétablissement ».

L’environnement, le social et l’économie

Il est donc logique qu’un plan de rétablissement du caribou forestier tienne compte de l’environnement, du social et de l’économie, qui sont les trois composantes du développement durable. Concrètement, cela veut dire cibler les forêts où la survie du caribou forestier est la plus probable afin de limiter l’impact sur les communautés locales, fortement dépendantes de l’industrie forestière.

Nous avons souligné dans le passé que cibler les efforts de protection de l’habitat du caribou forestier aux endroits où les populations ont la plus grande probabilité de survie est plus efficace, car on limite ainsi les impacts économiques de ces efforts. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, notamment, cela ferait passer le coût économique des efforts de protection de 261 à 86 millions $.

Le gouvernement avait la responsabilité de prendre en considération l’aspect économique dans le dossier des caribous de Val-d’Or, et c’est ce qu’il a fait. Des mesures de conservation pour protéger la biodiversité sont par ailleurs déjà en place. On ne peut qu’approuver la décision du gouvernement de ne pas imposer de nouvelles contraintes qui auraient entraîné des coûts disproportionnés par rapport aux objectifs.

P.S. : À ce sujet, voir aussi notre documentaire d’une dizaine de minutes sur la forêt, qui montre la réalité des gens sur le terrain et l’importance de l’industrie forestière pour ces communautés.

Alexandre Moreau is a Public Policy Analyst at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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