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Mme Freeland, le protectionnisme canadien est aussi mauvais que celui des Américains!

Les dernières semaines de négociation en vue de moderniser l’ALÉNA n’ont pas été faciles, alors que la ministre fédérale des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, accuse les États-Unis de vouloir intentionnellement faire échouer les négociations avec des propositions qu’elle juge « non conventionnelles » et « troublantes ». Essentiellement, c’est l’attitude protectionniste du Canada dans le dossier de la gestion de l’offre et celle des États-Unis à propos du secteur de l’automobile qui complexifient les négociations.

Des centaines de milliers d’emplois en jeu

Le Canada et les États-Unis ont été à l’avant-garde de la libéralisation du commerce, en signant notamment les accords du GATT, le Pacte de l’automobile, un accord de libre-échange et finalement l’ALÉNA, en 1994. Ces accords ont eu un effet important sur les échanges, alors que la valeur des exportations canadiennes vers les États-Unis a presque triplé depuis 1981 pour atteindre 451 milliards $ en 2016. Les importations ont suivi une tendance similaire, ce qui a amené la valeur totale des échanges commerciaux à près de 882 milliards $. Cela fait du Canada le deuxième plus important partenaire commercial des États-Unis, tout juste derrière la Chine, qui l’a rattrapé l’an dernier.

L’absence d’un accord pourrait avoir des conséquences économiques substantielles en raison de l’interdépendance économique des deux pays. Pour le Canada, le marché américain représente 68 % de la valeur totale de ses échanges commerciaux. La part du Canada dans l’ensemble des échanges commerciaux américains est moindre, mais s’élève tout de même à 13 %. Cette intégration économique permet de produire plus avec moins de ressources et d’offrir des opportunités d’emploi en permettant à nos entreprises d’élargir leur marché. C’est donc des centaines de milliers d’emplois qui sont en jeu et près d’un demi-milliard de consommateurs qui devraient payer davantage pour obtenir les mêmes biens et services advenant l’imposition de tarifs, si les négociations échouaient.

Le protectionnisme américain

L’attitude protectionniste du côté américain se fait principalement sentir dans le secteur automobile, alors que les négociateurs demandent de faire passer le contenu nord-américain minimal d’une voiture de 62,5 % à 85 % pour qu’elle puisse être vendue sans tarif. Les États-Unis demandent même que le contenu américain soit fixé à un minimum de 50 %, une demande qui ne passe pas pour le Canada et le Mexique.

L’imposition de contraintes à la frontière canado-américaine permettrait peut-être des gains à court terme pour un nombre restreint de travailleurs américains, mais des millions de consommateurs, eux, devront payer davantage pour obtenir la même voiture. À plus long terme, les entreprises situées aux États-Unis pourraient voir leur compétitivité relative diminuer face aux fabricants japonais, sud-coréens et européens. Si cela se produit, le nombre de voitures produites en sol américain pourrait diminuer et des emplois seraient perdus.

Le protectionnisme canadien

Sans surprise, la gestion de l’offre dans les secteurs du lait, de la volaille et des œufs au Canada est un élément qui irrite les négociateurs américains, avec ses tarifs prohibitifs qui peuvent atteindre jusqu’à 300 %. Récemment, ces négociateurs ont réclamé que le système soit démantelé sur une période de 10 ans. En dépit du fait que le système de tarifs et de contrôle de la production coûte aux consommateurs canadiens entre 3,6 et 6,1 milliards $ par année, la réplique ne s’est pas fait attendre du côté canadien : les politiciens et associations de producteurs ont affirmé à l’unisson que la gestion de l’offre était non négociable.

Un peu de cohérence, svp!

On ne peut pas d’un côté défendre le maintien des tarifs, qui peuvent atteindre 300 % pour les produits sous gestion de l’offre, et accuser de l’autre le gouvernement américain d’être protectionniste. Le Canada devrait faire preuve de bonne foi et profiter des demandes légitimes faites à propos de la gestion de l’offre pour demander en retour que les autres marchés soient épargnés des demandes protectionnistes américaines. Toutefois, le gouvernement canadien doit s’assurer que les Américains abolissent eux aussi leurs mesures de soutien, et évidemment promettre une compensation juste aux agriculteurs pour la valeur des quotas.

Les barrières commerciales n’ont jamais enrichi qu’un petit nombre au détriment de la vaste majorité. Éliminer celles qui subsistent et s’assurer de ne pas en élever de nouvelles serait profitable tant pour les consommateurs que pour les producteurs. Ultimement, la renégociation de l’ALÉNA est une opportunité pour le Canada, le Mexique et les États-Unis d’élargir leur partenariat économique et de contribuer à sa pérennité.

Alexandre Moreau is a Public Policy Analyst at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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