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Les quotas de bébés dans nos hôpitaux

Le Québec aime les quotas. Nous avons des quotas de lait, qui empêchent les fermiers plus productifs d’augmenter leur production et découragent en général l’investissement dans l’équipement agricole. Nous avons des quotas de sirop d’érable, qui font un peu la même chose en interdisant aux acériculteurs plus entreprenants de vendre eux-mêmes leur sirop, sous peine de se faire poursuivre par leur propre fédération. Nous avons aussi, depuis cette année, des quotas de voitures électriques que les constructeurs automobiles doivent vendre, peu importe que les acheteurs potentiels, eux, soient intéressés ou non.

Les conséquences de ces quotas sont prévisibles : les producteurs laitiers québécois sont moins productifs et moins concurrentiels, et doivent être protégés par des tarifs qui augmentent le prix de notre épicerie; nos parts de marchés de sirop d’érable diminuent, puisque nous subventionnons en quelque sorte notre concurrence; et le prix des voitures conventionnelles risque fort d’augmenter lorsque les quotas pour les électriques entreront en vigueur.

Ce que peu de gens savent, c’est que nous avons aussi des quotas de bébés. (On se croirait dans La Matrice) Pour le Centre universitaire de santé McGill (CUSM), par exemple, le ministère de la Santé a décidé que le nombre de naissances serait de 3000 par année. Le problème est que ce chiffre est basé sur des estimations réalisées en 2007, alors que le nouvel hôpital n’a ouvert ses portes qu’en 2015.

Chaque naissance au-delà du quota fixé par le gouvernement représente ainsi une dépense non financée pour l’hôpital, qui est placé devant deux options : faire un déficit ou envoyer accoucher ailleurs des patientes qui ont été suivies par des médecins du CUSM et qui désirent y mettre leur enfant au monde.

Les quotas peuvent même s’appliquer à des médecins individuels. Un groupe de 14 obstétriciens du CUSM pouvaient se répartir entre eux 2400 accouchements, tandis que quatre autres n’avaient le droit d’effectuer que 175 accouchements par année chacun, pas un de plus (l’histoire ne précise pas si un demi-accouchement de plus est permis lors des années bissextiles). Ces médecins, inquiets pour la santé de leurs patientes, ont décidé de poursuivre leur employeur en cour, dénonçant ce qu’ils voyaient comme une pratique discriminatoire envers eux. Le juge leur a donné raison.

Le problème est réglé à court terme pour ces médecins et leurs patientes, mais la planification à la soviétique de notre système de santé reste entière. D’ailleurs, le problème ne se limite pas aux naissances. Le CUSM s’est aussi fait reprocher de traiter trop de patients (!) dans son urgence et à son unité d’oncologie. L’Hôpital général juif a déjà fait face à des problèmes semblables lorsque ses budgets ont été coupés, refusant des patients qui ne demeuraient pas sur l’île de Montréal, même si ceux-ci désiraient s’y faire soigner.

Moins de patients, SVP

Pourquoi tenter de déterminer ainsi combien de bébés devront naître et combien de patients devront être soignés? Dans un tel système irrationnel, comme chaque patient représente une dépense, tandis que ses revenus sont fixes, un hôpital a intérêt à en faire le moins possible s’il ne veut pas se retrouver en situation de déficit.

Heureusement pour nous, ces règles ne sont pas respectées à la lettre, sinon l’accès aux soins serait encore plus difficile qu’il ne l’est présentement. Mais elles pénalisent les hôpitaux les plus performants comme l’Hôpital général juif qui, il y a quelques années, a rénové son urgence et repensé la façon d’y prodiguer les soins, simplement parce que trop de patients veulent s’y faire soigner. La récompense de l’Hôpital général juif pour son succès est qu’il doit maintenant lutter pour maintenir ses finances à flot. Avouez que cela n’encourage pas les autres à suivre ses traces!

Les Québécois seraient à l’abri de telles bêtises bureaucratiques si chaque patient représentait un revenu, comme ce serait le cas si les hôpitaux étaient financés à l’activité, ce que l’IEDM et d’autres observateurs répètent inlassablement. Si le patient était un revenu pour les hôpitaux, ceux-ci en voudraient plus, pas moins. De plus, les meilleurs établissements pourraient augmenter leur volume d’activité, tandis que les moins performants verraient leur financement diminuer, ce qui libérerait des fonds pour les premiers.

Imaginez : des hôpitaux qui courent après des patients pour les soigner, et qui se préoccupent de leur satisfaction. Ce serait toute une révolution!

Patrick Déry is a Public Policy Analyst at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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