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Les barrières au commerce interprovincial diminuent les salaires des Canadiens

Le Canada a beau être un pays parmi les plus libres au monde et avoir conclu des traités de libre-échange avec des pays dans toutes les régions du monde, il subsiste toujours d’importantes barrières au commerce entre les provinces.

Ces barrières prennent la forme de réglementation rendant le commerce entre les différentes provinces plus difficile, en le limitant ou en l’interdisant. En plus de faire augmenter le prix de certains biens, comme les produits laitiers, l’alcool et plusieurs autres produits et service, elles ralentissent la progression des salaires.

On nous rappelle souvent que les salaires sont différents d’une région à l’autre. Le salaire moyen, par exemple, n’est pas le même à Gaspé qu’au centre-ville de Montréal, tout comme il n’est pas le même à Moncton et à Toronto. Mais on explique moins souvent pourquoi c’est le cas. Pourtant, cette explication est importante, puisqu’elle peut nous aider à comprendre à quel point les barrières au commerce interprovincial sont néfastes.

Diviser le travail, c’est payant

Essentiellement, la différence entre les salaires s’explique par la spécialisation et la division du travail. Plus le marché du travail fait place à la spécialisation, plus le marché divise les tâches, plus nous sommes productifs. C’est par exemple la raison pour laquelle, sur une chaine de production, on ne demande pas à une seule et même personne d’assembler des voitures de A à Z. On lui demande plutôt de se concentrer sur une étape : installer une pièce, peindre une partie de la carrosserie. Les entreprises gagnent ainsi beaucoup de temps (et de productivité) grâce à la spécialisation et à la division des tâches.

Bien entendu, plus les entreprises sont grandes et plus il est possible de diviser les tâches. Si les voitures devaient être construites dans de petites entreprises, chaque personne en ferait davantage. Ces travailleurs seraient cependant moins spécialisés et, par conséquent, moins productifs.

C’est la même chose dans une ville ou une province, même si personne n’est responsable de décider des emplois de tous les autres. Plus on est nombreux et plus on peut se spécialiser et se diviser le travail. L’inverse est aussi vrai.

Par exemple, il ne semble pas y avoir de boutique consacrée aux articles de sport dans la municipalité de Schefferville, de 155 habitants au dernier recensement. Cependant, dans les villes de Québec et Gatineau, tout comme dans beaucoup d’autres villes, on peut trouver des magasins d’articles de sport consacrés à un sport, ou même dans de très grandes villes comme Montréal et Toronto des magasins pour une marque en particulier.

Un marché plus grand permet une plus grande spécialisation, et donc une plus grande productivité. Comme les salaires sont en grande partie attribuables à la productivité, plus une personne est productive, et plus elle aura de valeur aux yeux des employeurs, et plus celui-ci sera en mesure de la payer. C’est pourquoi, dans un petit village, les salaires sont généralement beaucoup plus faibles que dans les grandes villes. Le « marché » y est simplement plus petit.

Dans le cas de Schefferville, le marché y est plus petit parce qu’il y a peu d’habitants, mais aussi pour des raisons géographiques évidentes. L’éloignement de cette ville y diminue la « taille du marché ».

Quand les barrières sont politiques

Cette « taille du marché » est aussi influencée par les barrières au commerce interprovincial, qui limite l’intégration économique des provinces. Dans ce cas, l’isolement n’est pas géographique, mais politique.

Et il y a énormément de ces réglementations provinciales qui rendent le commerce avec d’autres provinces plus difficiles. Le transport des biens, par exemple, est compliqué par des normes qui varient d’une province à l’autre quant aux pneus utilisés, à la signalisation, à la taille des remorques, etc.

Toute cette réglementation a une incidence, de façon indirecte, sur les revenus de tous les Canadiens. Une étude récente publiée dans le Canadian Journal of Economics chiffre les gains de productivité possibles d’un commerce interprovincial sans barrières à environ 100 milliards $ par année. Sans ces barrières, tous les Canadiens bénéficieraient de prix plus bas, mais aussi de revenus plus élevés, soit l’équivalent de 2700$ par personne.

Dans les derniers mois, une tentative timide d’abaisser les barrières entre les provinces a été lancée par le gouvernement fédéral. Pour augmenter la productivité des Canadiens, et par conséquent leur salaire, ces barrières devraient simplement être éliminées, que ce soit par une initiative politique, ou encore par jugement de la Cour suprême. Après 150 ans de confédération, il serait bien temps d’abattre les barrières au commerce entre Canadiens.

Nos politiciens vantent souvent les mérites du libre-échange sur la scène internationale. Un beau cadeau à se faire pour le 150e anniversaire du pays serait de faire tomber les barrières qui existent à l’intérieur de nos propres frontières.

Mathieu Bédard is Economist at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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