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Le libre-échange, le comptable et les tomates

Disons que vous êtes comptable indépendant. Chaque journée de 8 heures de travail vous rapporte 250 $. Vous possédez aussi une maison en banlieue avec un beau potager dans la cour. Vous calculez que vous pourriez y produire vous-même 100 kg de tomates l’été prochain.

Pour réaliser ce projet, vous devriez y consacrer 32 heures de travail de jardinier durant tout l’été, soit quatre journées complètes. Vous vous priveriez donc de 1000 $ en revenus de travail comptable (4 x 250 $), ce qui représente le coût de renonciation.

Vos 100 kg de tomates vous reviendraient à 10 $ chacun. Or, vous savez que vous pourrez vous procurer des tomates à moins de la moitié de ce prix dans n’importe quel marché public à la fin de l’été. Vos efforts n’en vaudraient pas la peine. Vous décidez donc de laisser un producteur s’en occuper à votre place et vous lui achèterez ses tomates. Et le cultivateur y gagne aussi, sinon il n’aurait pas accepté de produire ce que vous mettrez dans votre assiette.

Vous vous spécialisez donc en comptabilité et laissez quelqu’un d’autre produire les biens que vous choisissez de ne pas produire. Vous vous procurez ces autres biens à travers des échanges. Le raisonnement que vous tenez est rationnel, car il vous permettra ultimement de consommer plus de biens que ce que vous pourriez produire vous-même. Évidemment, cet exemple personnel est très simple et ne tient pas compte du plaisir que vous pourriez ressentir à biner votre lopin de terre.

Vous comprenez cet exemple? Eh bien, vous avez saisi l’essence de la théorie des avantages comparatifs, qui est à la base du commerce entre les pays. Appliqué surtout au commerce international, ce principe est peu compris du public et des politiciens. Mais les gens le comprennent intuitivement et l’appliquent dans leur vie de tous les jours.

Ce qui tient pour une personne (voir l’exemple du début) tient aussi pour un pays. Lorsqu’on libère les gens du carcan du protectionnisme et qu’on leur permet librement d’échanger avec des gens habitant un autre pays, ils sont amenés naturellement à profiter des avantages de la spécialisation et des échanges. Et, tout comme une personne tire un bénéfice individuel à appliquer le principe des avantages comparatifs, un pays améliore aussi son sort lorsque ses citoyens commercent librement avec d’autres pays, sur cette même base des avantages comparatifs.

Allons-y avec un autre exemple. Nous pourrions sans aucun doute produire des t-shirts au Canada. Nous l’avons d’ailleurs fait pendant longtemps. Mais maintenant que d’autres pays en produisent à un coût de renonciation inférieur au nôtre, nous leur avons abandonné cette production et nous sommes concentrés sur ce que nous faisons mieux qu’eux.

Tout le monde est plus riche ainsi, incluant les pays plus pauvres, qui développent d’autres avantages comparatifs avec le temps, comme l’ont fait le Japon, Taiwan, la Corée du Sud, la Chine et plus récemment, le Vietnam ou le Mexique. Comme quoi les t-shirts peuvent mener aux voitures et aux iPhone!

Le vote favorable au Brexit, l’élection du président Trump, la réouverture prochaine de l’ALENA et l’émergence de partis politiques européens plutôt hostiles à l’ouverture des frontières ramènent sur le devant de la scène la vieille question, à laquelle les économistes croyaient avoir répondu de façon définitive il y a deux cents ans : le libre-échange est-il bon pour tous? La réponse est toute simple : oui!

Germain Belzile is a Senior Associate Researcher, Current Affairs at the MEI. The views reflected in this op-ed are his own.

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