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La gestion de l’offre dans la restauration ?

Ce mercredi le 28 septembre, le conseil municipal de l’arrondissement du Sud-Ouest tiendra une consultation publique sur la limitation du nombre de restaurants. En fait, dans ce coin de Montréal, on songe ni plus ni moins à introduire la gestion de l’offre dans un nouveau secteur !

Après le désastre du système des quotas de taxis et de celui du sirop d’érable, voilà que certains aimeraient reproduire ce système dans la restauration. Examinons rapidement pourquoi c’est une très mauvaise idée.

Premièrement, le nombre de restaurants s’autorégule de lui-même. Avant de démarrer un établissement, l’entrepreneur fait normalement une étude de marché et calcule ses ventes et coûts espérés. Donc, le restaurateur se lancera généralement dans un secteur où ses perspectives sont bonnes.

Ainsi, le Sud-Ouest, quartier en pleine transformation, attire de plus en plus de ménages ayant de bons revenus. Il n’est que normal que les restaurants suivent. On apprenait d’ailleurs récemment, dans un article du Journal, qu’un segment de 4 kilomètres de la rue Notre-Dame, qui ne comptait que 50 restos en 2011, en compte aujourd’hui plus de 70 !

Mais le même calcul de rentabilité amène éventuellement des restaurants à fermer. Selon le même article, le nombre total de restos à Montréal est passé de 5794 en 2012, à 5242 en 2014, soit une baisse de près de 10 %.

Deuxièmement, un système de gestion de l’offre amène inévitablement une série de problèmes qui touchent négativement les consommateurs :

  • une baisse de la qualité, un problème qui a pris de l’ampleur au fil des ans dans l’industrie du taxi;
  • une hausse des prix, causée par une diminution de la concurrence et une hausse du coût d’entrée dans le secteur;
  • une réduction de l’innovation : imaginez si des restaurateurs détenaient des droits exclusifs depuis 50 ans, il n’y aurait certainement pas toute cette diversité culinaire qui fait le charme de Montréal.

Finalement, comment déterminer qui aura le droit d’ouvrir un nouveau restaurant ? On pourrait faire comme pour le lait ou le taxi, soit permettre à un producteur actuel, qui possède un permis, de le vendre lors de sa sortie du marché. On a vu ce que ça donne dans ces secteurs : les permis deviennent très coûteux et un nouveau producteur doit s’endetter jusqu’au cou pour avoir le droit d’y entrer. Alternativement, le Conseil municipal pourrait décider au cas par cas si quelqu’un en « mérite » un. On imagine déjà les possibilités de favoritisme et les manœuvres de tous ceux qui voudront tuer la concurrence dans l’œuf…

Adam Smith, le grand économiste écossais du 18e siècle, nous a déjà mis en garde contre ce genre d’idées : « La proposition de toute nouvelle loi ou règlement de commerce qui part de [l’ordre des marchands] doit toujours être écoutée avec beaucoup de précaution. […] Elle vient d’un ordre d’hommes dont l’intérêt n’est jamais exactement le même que celui du public, et qui, dans bien des occasions, n’a pas manqué de le tromper […] » (La Richesse des nations (1776)  livre 1).

Oui, le marché de la restauration est difficile : il faut constamment innover et assurer une grande qualité. Mais c’est justement ce que les consommateurs recherchent, eux qui n’appartiennent, aux dernières nouvelles, à personne. De grâce, ne sabotons pas ce marché à cause d’une fausse bonne idée.

Germain Belzile is a Senior Associate Researcher, Current Affairs at the MEI. The views reflected in this op-ed are his own.

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