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Pour un HoMa riche et prospère

L’embourgeoisement est au cœur de l’actualité depuis plusieurs mois, comme en font foi les deux reportages publiés cette fin de semaine dans La Presse+. L’IEDM lance officiellement une publication sur cet enjeu, aujourd’hui, qui montre que « l’embourgeoisement » est un phénomène normal et souhaitable, comme certaines des personnes interviewées l’ont souligné.

L’embourgeoisement est un processus qui renverse le déclin d’un quartier en le redynamisant, notamment par une croissance des activités économiques et une augmentation de la diversité sociale. Il en résulte une amélioration des conditions de vie pour la majorité des citoyens.

Les études sur le phénomène montrent qu’avant de s’embourgeoiser, un quartier voit partir plusieurs de ses habitants et commerçants et vit un déclin socioéconomique qui emprisonne les individus qui n’ont pas les moyens de partir. L’exemple d’Ariane St-Pierre-Cyr dans le reportage de La Presse est une parfaite illustration de ce déclin qui précède le processus d’embourgeoisement. Le local loué par cette entrepreneure en vêtements pour enfants dans la rue Sainte-Catherine était abandonné depuis sept ans, tout comme plusieurs locaux aux alentours. Dans un tel cas, on se retrouve avec des populations uniformément pauvres et isolées.

C’est ce qui s’est produit dans les années 80 dans Hochelaga-Maisonneuve. Plusieurs entreprises ont déménagé ou ont tout simplement fermé. La population du quartier a diminué considérablement et ceux qui ne l’ont pas quitté se sont retrouvés coincés dans un cycle de pauvreté.

Le cycle ne s’arrête toutefois pas là, heureusement. La dépopulation fait diminuer les loyers et, éventuellement, attire des familles et des commerçants qui viennent s’y établir. Ces nouveaux arrivants, provenant d’horizons différents, augmentent la diversité sociale dans le quartier.

Ce faisant, ils génèrent du capital social qui crée des liens entre individus, augmente le savoir, permet de découvrir des nouvelles occasions et augmente la productivité. Cet élan de dynamisme revitalise le quartier. L’embourgeoisement entraîne donc un renversement de cette tendance et une amélioration des lieux.

Il suffit de considérer l’exemple du Bistro Bagatelle situé dans la rue Ontario. Ce petit restaurant emploie des résidants du quartier et utilise des services locaux. Ces nouveaux commerces augmentent aussi la diversité des choix offerts aux habitants du quartier, et pas seulement ceux qui ont plus de moyens. Des supermarchés offrant des produits à prix abordables viennent s’installer.

Ce qui est rarement souligné, c’est que les pauvres sont en effet les grands gagnants du processus. Plusieurs études remarquent que les familles pauvres sont moins susceptibles de quitter un quartier à la suite de l’amorce du processus d’embourgeoisement.

À Boston et à New York, l’embourgeoisement a augmenté la probabilité que des ménages pauvres demeurent dans le quartier. L’explication est simple : dans la mesure où l’amélioration de la qualité de vie (revenu, offre de services, sécurité, vie de quartier plus intéressante) compense l’augmentation des loyers, les gens ne voudront pas déménager.

Quant aux mécontents, ils se trompent de cible. Il est naïf de penser que les différents quartiers de Montréal doivent demeurer immuables à travers le temps. Il faut plutôt s’assurer qu’il existe une offre de logement abordable pour tous lorsqu’ils veulent déménager.

Sur le plan de l’accessibilité au logement, le coupable se retrouve dans les codes de zonage. Lorsque les restrictions imposées par ceux-ci deviennent excessives, elles tendent à réduire l’offre de logement. Parfois, le zonage altère les coûts relatifs des différents types de projets immobiliers, généralement au détriment du logement locatif. Dans tous les cas, ces restrictions réduisent l’accessibilité en augmentant les loyers.

Parmi les économistes, des plus libéraux jusqu’aux sociaux-démocrates comme Paul Krugman, on retrouve un consensus impressionnant sur ce point : les restrictions excessives imposées par les codes de zonage font particulièrement mal aux plus pauvres.

L’embourgeoisement est un vecteur important de réduction de la pauvreté qui favorise le développement socioéconomique d’une ville. Au lieu de tenter de combattre le phénomène, laissons les quartiers se métamorphoser au gré des mouvements de population et adoptons des codes de zonage légers et efficaces qui encouragent l’accessibilité à des logements abordables.

Vincent Geloso is Associate Researcher at the Montreal Economic Institute. Jasmin Guénette is Vice President of the MEI. The views reflected in this op-ed are their own.

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