fbpx

Op-eds

Le système de santé québécois est-il si mauvais? Et pourquoi?

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, est fâché. On s'attendrait à ce qu'il soit fâché parce que les urgences du système de santé québécois affichent la pire performance du monde occidental! Pourtant non, le ministre critique le rapport du Commissaire à la Santé et aux Services sociaux, un poste qu'il a aboli de toute façon.

« Qu'est-ce qu'on apprend là-dedans?, demande notre ministre de la Santé, on apprend qu'il y a du monde meilleur que nous autres. Wow! Est-ce qu'on a besoin d'un rapport pour savoir ça? ». Probablement pas. Les rapports vont cependant continuer de faire le même constat, année après année, tant que les solutions pourtant connues ne seront pas appliquées.

Faut-il le rappeler, derrière cette comparaison lucide et ces chiffres, ce sont des histoires humaines et déchirantes que vivent des milliers de Québécois!

Comme le dit le président de l'IEDM à la fin de ce documentaire:

« Il y a une certaine lâcheté de la part de la classe politique qui se contente de faire réforme bureaucratique par-dessus réforme bureaucratique depuis 25 à 30 ans, avec très peu de résultats. On change le nom des acronymes, on brasse les structures… En bout de ligne, le système est encore plus centralisé et encore plus contrôlé par des bureaucrates à Québec qu'il ne l'a jamais été!

On a un modèle qui est unique et que personne d'autre ne suit. Si vous êtes dans un système où vous faites les choses différemment de tous les autres pays développés, d'une part, et que d'autre part vous êtes moins bien classé que tout le monde, bien ça ne prend pas la tête à Papineau pour comprendre qu'il faut changer ça! »

Justement, depuis ses débuts, l'IEDM travaille sur ces solutions, pour les faire connaître et les expliquer malgré toutes les réticences aux changements qu'on connaît dans le réseau de la santé. Voici sept idées de réforme qui peuvent facilement être mises en place pour améliorer les soins de santé pour tous les Québécois.

Les réformes nécessaires, et même urgentes!

Rendons à Gaétan Barrette la bonne idée qui lui appartient, ou du moins qu'il tente de mettre en place, soit le financement à l'activité.

Qu'est-ce que c'est que le financement à l'activité? Actuellement, les hôpitaux au Québec – comme presque partout ailleurs au Canada – reçoivent leur financement sous forme de budgets globaux établis en fonction des dépenses effectuées dans le passé. À l'opposé, le financement à l'activité est fondé sur le nombre d'interventions médicales réalisées. Les hôpitaux reçoivent un paiement fixe déterminé pour chacune d'entre elles, par exemple pour un remplacement de la hanche.

Dans le financement à l'activité, l'argent suit le patient. Cette formule de financement pourrait faire diminuer les temps d'attente dans les hôpitaux du Québec parce que ces derniers auraient un intérêt financier à améliorer leurs façons de faire et à accueillir plus de patients. Sinon, l'hôpital qui innove et fait mieux que les autres, se retrouve pénaliser par son succès, comme l'est actuellement l'Hôpital général juif, à Montréal.

En Suède, lorsqu'on a mis en place le financement à l'activité, les temps d'attente ont été réduits de 30 % pour les chirurgies non urgentes entre 2002 et 2006. En Angleterre, la même attente a fondu des deux tiers entre 2000 et 2010. Pourquoi pas au Québec

D'autres réformes doivent être mises de l'avant rapidement:

1. Le financement à l'activité permet aux patients d'avoir le choix sans pénaliser les hôpitaux performants. Au contraire, les hôpitaux peuvent dès lors se livrer à une certaine forme de concurrence pour attirer les patients, mais aussi les médecins et les cliniques. Le choix du patient devrait être un fondement essentiel de notre système de santé.

2. Pour donner le choix aux patients, il faut une meilleure transparence des hôpitaux, qu'on puisse connaître le temps d'attente dans les différentes urgences, ou la qualité des chirurgies de remplacement de la hanche, à titre d'exemple.

3. Les médecins qui travaillent dans le secteur privé ne peuvent pas aller donner un coup de main dans le secteur public, et vice-versa! Aussi absurde que cela puisse paraître, c'est la réalité québécoise parce que notre système de santé ne permet pas la mixité de pratique.

4. Les hôpitaux privés n'existent pratiquement pas au Québec ou au Canada. Pourtant, la Suède, la France, la Suisse, l'Allemagne, et bien d'autres pays dotés d'un système de santé universel dans le monde en ont. Qu'ils soient à but lucratif ou non, les hôpitaux privés prennent leurs propres décisions, mais les soins reçus sont toujours assurés et payés par le gouvernement. Des cliniques privées pourraient aussi fonctionner selon ce modèle ou offrir des services payants, comme c'est déjà le cas au Québec. Et ça fonctionne !

5. L'assurance-maladie du Québec est universelle, mais elle est aussi un monopole. Personne ne peut s'assurer ailleurs qu'auprès de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Encore là, de nombreux pays laissent le choix à leurs citoyens de se procurer une assurance duplicative qu'ils paient eux-mêmes.

6. Enfin, on ne doit pas oublier les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) qui pourraient contribuer davantage à notre système de santé si seulement on le leur permettait! Pour bon nombre de petits ennuis de santé, pas besoin d'attendre à l'urgence ou d'espérer un rendez-vous avec son médecin de famille. Hop, on passe à la clinique de superinfirmières et le tour est joué! Mais ça, ce n'est pas encore permis dans le réseau public.

Toutes ces solutions respectent le principe d'une assurance universelle et gratuite, rien de bien révolutionnaire. Et toutes ces solutions sont connues, documentées, recommandées depuis des années par une pléthore de rapports qui dorment sur les tablettes.

Alors oui, force est de constater que le système de santé québécois n'est pas très bon sous certains aspects, principalement en matière d'accès aux soins et de choix du patient. Mais ce n'est pas une fatalité et les choses peuvent changer!

Youri Chassin is Economist and Research Director at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

Back to top