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Op-eds

Nationaliser l’assurance médicaments serait une erreur

Les journaux ont fait grand état des décisions récentes du gouvernement québécois de refuser ou retarder le remboursement de certains médicaments novateurs. En juillet dernier, on rapportait que des médicaments révolutionnaires permettant de guérir l'hépatite C ne seraient remboursés initialement par le régime public d'assurance médicaments que pour les patients les plus gravement atteints. En fin de semaine dernière, le quotidien The Gazette nous apprenait qu'une dame atteinte d'un cancer du pancréas s'était vu refuser le remboursement d'un médicament novateur simplement parce qu'elle était âgée de plus de…71 ans !

Dans le reste du Canada, la situation de l'accès aux nouveaux médicaments n'est toutefois pas plus enviable. C'est en effet au Québec qu'on retrouve la couverture la moins restrictive lorsqu'on compare les régimes publics d'assurance médicaments provinciaux. De tous les médicaments approuvés par Santé Canada entre 2004 et 2012, à peine 23 % étaient remboursés par les régimes publics à l'échelle du pays en décembre 2013, contre 38 % au Québec.

En agissant de la sorte, les pouvoirs publics limitent grandement la capacité des médecins de prescrire les médicaments jugés les plus efficaces pour répondre aux besoins de leurs patients. Selon une vaste enquête, seule une faible minorité (29 %) d'oncologues au Canada seraient en mesure de prescrire à leur patient ce qu'ils considèrent être le meilleur médicament disponible pour les soigner, étant donné les restrictions des régimes publics. Comme les patients ne réagissent pas tous de la même façon à la prise de médicament, certains d'entre eux sont par conséquent exposés à des risques inutiles d'aggravation de leur état de santé.

Les coûts cachés d'un monopole public

Qu'à cela ne tienne, certains intervenants militent ardemment depuis quelques années en faveur de l'adoption d'un régime entièrement public d'assurance médicaments, en remplacement du régime mixte public-privé actuellement en vigueur au pays. Ils déplorent que les régimes privés puissent offrir une couverture d'assurance médicaments plus généreuse, ce qui gonflerait inutilement selon eux la croissance des dépenses. Et ils souhaiteraient plutôt que le gouvernement ait un pouvoir accru de négociation auprès des compagnies pharmaceutiques afin de pouvoir obtenir de meilleurs prix.

Or, nationaliser l'assurance médicaments au pays non seulement entraînerait des coûts supplémentaires pour les contribuables, mais ne changerait en rien la propension actuelle des gouvernements à restreindre l'accès aux nouveaux médicaments. Les expériences étrangères nous en apprennent beaucoup à propos des dangers d'adopter un système monopolistique d'assurance médicaments au Canada.

Le Royaume-Uni est sans doute l'un des pays ayant poussé le plus loin cette logique. Depuis les années 1990, les patients subissent les conséquences des mesures gouvernementales visant à restreindre ou à retarder la couverture de nouveaux médicaments. Les patients anglais ont ainsi dû se passer pendant de nombreuses années de médicaments approuvés qui étaient disponibles partout à travers l'Europe. C'est encore le cas pour de nombreux médicaments anticancéreux ayant pourtant prouvé leur efficacité.

Ces restrictions ont vraisemblablement un rôle à jouer dans les plus faibles taux de survie à divers cancers au Royaume-Uni en comparaison de la plupart des pays développés. Selon un rapport paru en mars dernier dans la revue médicale The Lancet, le Royaume-Uni affiche des résultats parmi les pires de tous les pays développés en ce qui a trait aux taux de survie pour les dix types de cancers répertoriés. Dans le cas des cancers du foie et du poumon, les taux de survie à cinq ans sont de moitié inférieurs à ceux qu'on observe au Canada.

Que ces piètres résultats soient obtenus dans un système pourtant caractérisé par de bonnes conditions d'accès aux soins primaires a de quoi inquiéter. En effet, les données montrent que les patients anglais ont plus de facilité à obtenir un rendez-vous avec leur médecin de famille que les patients canadiens. Ils ont en outre plus souvent un accès direct aux différents tests de dépistage et en reçoivent les résultats dans des délais plus courts que les patients canadiens. Par exemple, le temps d'attente moyen pour obtenir les résultats d'une endoscopie est de 5,7 semaines en Angleterre, contre 8,1 semaines en Ontario et 20,1 semaines en Colombie-Britannique. Pour plusieurs types de cancer, comme ceux du sein et du col utérin, les taux de dépistage au Royaume-Uni sont même parmi les plus élevés au monde.

Dans ce contexte, il fait peu de doute que les plus faibles taux de survie et les plus hauts de mortalité associés au cancer au Royaume-Uni sont dus à un accès plus restreint aux nouveaux médicaments oncologiques, comme l'ont souligné divers chercheurs ces dernières années.

Les Canadiens devraient se méfier de l'idée de remplacer notre système mixte par un système nationalisé comme celui qu'on retrouve au Royaume-Uni. Socialiser une plus grande partie des dépenses en médicaments par le biais d'un régime monopolistique reviendrait à donner plus de pouvoir aux fonctionnaires pour prendre les décisions et faire les arbitrages au nom des assurés. Les politiques qui restreignent l'accès aux nouveaux médicaments seraient appliquées à l'ensemble du pays et pénaliseraient tous les Canadiens de la même façon. Plusieurs d'entre eux seraient ainsi contraints de se contenter d'une couverture d'assurance médicament de moindre qualité que ce qu'ils ont actuellement.

Yanick Labrie is an Economist at the Montreal Economic Institute and the author of "Do We Need a Public Drug Insurance Monopoly in Canada?" The views reflected in this op-ed are his own.

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