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Pour ou contre la taxe sur le carbone?

À la suite du récent Sommet des pays du G7 et aux engagements de « décarboniser l’économie », et dans le contexte de la conférence de décembre prochain sur le climat à Paris, la question de l’instauration d’une – ou plusieurs – taxe sur le carbone sera certainement à l’avant-scène.

Or, le débat se limite souvent à savoir si l’on est « pour » ou « contre » une telle taxe. À mon avis, le véritable débat est ailleurs.

Tout d’abord, rappelons les données historiques qui nous montrent que la relation entre le prix du pétrole et la quantité consommée est passablement faible, et s’affaiblit de plus en plus. En effet, la demande pour le pétrole a été déterminée principalement par la croissance du revenu, tant au Canada que dans le reste du monde. Par exemple, le prix du pétrole a subi une hausse de 81 % entre 1978 et 1981, à la suite de la fameuse crise pétrolière, mais la consommation américaine, elle, n’a fléchi que de 16 % durant cette période.

Plus récemment, nous avons vécu une hausse similaire de 88 % du prix du pétrole entre 2002 à 2006 et, dans ce cas, la consommation américaine a en fait augmenté de 4,5 %.

En se basant sur une méta-analyse d’études économiques effectuée par l’expert James Hamilton en 2008, on peut calculer qu’une taxe très élevée sur le carbone causant une hausse du prix du pétrole brut de 50 $ par baril réduirait la quantité consommée de 7 % à court terme et de 30 % à long terme. Quoiqu’elle puisse sembler significative, la baisse à long terme n’est en fait même pas suffisante pour compenser la hausse séculaire de consommation qui résultera de la croissance économique.

De plus, une étude du FMI en 2011 arrive à des conclusions encore plus pessimistes, suggérant que même sans tenir compte de la croissance économique, la hausse dramatique du prix du pétrole n’aurait pratiquement aucun effet à court terme et réduirait la demande de seulement 7 % à long terme.

Pour la suite des choses, il importe de comprendre pourquoi la demande pour le pétrole ne fléchit pas, malgré les hausses de prix, historiques ou anticipées. Essentiellement, c’est parce que la valeur des biens et services rendus possibles grâce à la combustion du pétrole dépasse largement le prix payé.

Que l’on aime la chose ou non, le pétrole est un ingrédient essentiel de notre quotidien.

Cela pourrait changer dans le futur, notamment grâce à l’innovation technologique et aux révolutions qui peuvent parfois survenir quand il est question de nouvelles technologies. Mais une taxe sur le carbone ne va pas magiquement faire apparaître ces solutions de rechange.

De plus, les Canadiens en général, y compris les Québécois, ne sont tout simplement pas disposés à payer le coût nécessaire pour une taxe sur le carbone qui serait par ailleurs efficace (dans le sens de « susceptible de réduire rapidement et de façon draconienne la consommation de pétrole »). En effet, selon une étude de la Fondation David Suzuki, seulement la moitié des répondants sont prêts à payer 100 $ par année pour réduire les émissions, même s’ils supportent l’idée de la taxe. Or la taxe hypothétique de 50 $ sur le baril de pétrole, quoique pas encore assez élevée pour être « efficace », coûterait au ménage typique plus de 1000 $ par année, et ce, seulement en hausse du coût de l’essence. Un sondage commandé par mon institut conclut quant à lui que seulement 15 % des répondants sont prêt à subir un tel coût.

En conclusion, l’écart entre le niveau nécessaire de la taxe sur le carbone pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2 et le coût que les Québécois et les autres Canadiens sont prêt à payer est trop important pour être ignoré. C’est notamment ce qui explique pourquoi, dans ce dossier, il y a beaucoup de déclarations creuses pour bien paraître ou se faire du bénéfice politique, mais pas beaucoup d’actions concrètes.

Michel Kelly-Gagnon is President and CEO of the Montreal Economic Institute. The views reflected in this column are his own.

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