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Cité du commerce électronique ou comment subventionner un déménagement inutile

Il y a quelques semaines, nous apprenions dans La Presse que Montréal était prête à tourner la page sur la Cité du commerce électronique, une aventure entreprise au tournant des années 2000, qui a coûté des millions de dollars et qui s'est soldé par un échec. CGI, la plus grande firme à résider dans le bâtiment déménagera d'ailleurs bientôt.

Ce projet était conçu de telle sorte que de généreux crédits d'impôts étaient versés, comme 35 % des salaires des employés, pour inciter des entreprises à s'établir dans « la cité ». Ceci avait pour objectif de créer une synergie entre les entreprises grâce à une plus grande proximité géographique.

Était-ce nécessaire que l'État mette en place à grand frais une politique pour que les entreprises spécialisées dans un même créneau s'installent toutes au même endroit? Une publication de l'IEDM de février 2002 mettait déjà en garde l'État contre ce genre d'intervention qui génère des effets souvent indésirables, comme ce fut le cas à Montréal.

Attention: effets secondaires

Il est tout à fait logique que les gestionnaires d'entreprises modifient leurs comportements lorsque sont offert des incitatifs, ici, des crédits d'impôts. Par conséquent, au lieu de sélectionner l'emplacement de leurs bureaux en fonction de l'efficacité économique, les entreprises choisissent en fonction des subventions.

La politique de la Cité du commerce électronique (CCÉ) a provoqué le déménagement de plusieurs entreprises, qui ont ainsi pu toucher davantage d'argent public. Toutefois, ce déplacement a eu des effets secondaires sur des quartiers qui ont perdu des locataires importants. Afin de profiter des crédits d'impôts, plusieurs entreprises ont en effet quitté des quartiers – comme celui du Parc technologique du Québec Métropolitain – où les loyers étaient plus abordables. Ils ont par le fait même privé ces quartiers de leurs contributions à la vie économique locale.

De plus, la migration vers la CCÉ a fait augmenter les loyers. Environ 30 % de la valeur des crédits d'impôts était allouée aux coûts de loyer et de déménagement.

L'augmentation des loyers a rendu les nouveaux immeubles, construits à grands frais, moins compétitifs et la fin des crédits d'impôts en a sonné le glas. C'est pourquoi le quadrilatère où devait se trouver « la cité » demeure inachevé dix ans après son lancement et que les parties construites demeurent sous-exploitées.

L'histoire économique regorge d'exemples où les entreprises ont créé naturellement des secteurs spécialisés, et ce, sans intervention de l'État. Il y avait les abattoirs spécialisés de Chicago, le secteur des fabriques à Londres ou la région industrielle de Rhur en Allemagne au 19e siècle pour le charbon et la production d'acier. En fait, même au temps de l'Empire romain, les industries du bronze se concentraient dans le nord-ouest de l'Italie. On retrouve ces concentrations partout dans l'histoire parce qu'elles permettent aux entreprises de réduire leurs coûts de transaction avec leurs fournisseurs et clients. Ces districts apparaissaient tout simplement de manière spontanée.

En manipulant les incitations des individus et des entreprises, l'État génère souvent des conséquences inattendues et indésirables. Même si les intentions du gouvernement étaient nobles, force est de conclure que le modèle des Cités industrielles ne fonctionne généralement pas.

Michel Kelly-Gagnon is President and CEO of the Montreal Economic Institute. The views reflected in this column are his own.

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