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Éteindre l’étincelle

Suivre les commentaires qui entourent l’actualité peut s’avérer étourdissant.

D’une part, depuis que les politiques keynésiennes adoptées par les gouvernements dans l’espoir de relancer l’économie ont occasionné d’importants déficits budgétaires, une horde de commentateurs hargneux défile sur toutes les tribunes pour clamer que les entreprises et les « riches » ne paient pas leur juste part d’impôts. Les entrepreneurs sont présentés comme des « vilains » dont le comportement cupide et égoïste prive la société des richesses qui lui sont dues.

D’autre part, depuis que Steve Jobs a annoncé sa démission du poste de PDG d’Apple, les témoignages d’admiration et de gratitude fusent de toutes parts. Et pour cause! À partir d’un capital de départ de 500 $, fruit de la vente de sa voiture, Jobs fabrique son premier ordinateur en collaboration avec son associé, Steve Wozniak. La suite de l’histoire est bien connue. Aujourd’hui, Steve Jobs est considéré comme l’un des plus grands innovateurs de notre époque. Ses produits ont révolutionné la technologie informatique, nos moyens de communication et notre manière d’écouter la musique. Son apport à l’humanité est incommensurable car, avouons-le, il a réussi à transformer le quotidien de centaines de millions d’utilisateurs d’appareils technologiques, il a créé des dizaines de milliers d’emplois chez Apple, mais aussi chez les concurrents qui devaient redoubler d’efforts pour rivaliser.  

Cela dit, il ne suffit pas d’avoir une vision, de la persévérance, du talent ou encore du génie pour réaliser de grandes choses, il faut encore que les contextes réglementaire, administratif et fiscal encouragent l’effort et le dépassement, et qu’ils permettent la réussite. 

Si à ses débuts, Steve Jobs avait été soumis à un lourd fardeau réglementaire et administratif l’obligeant à se procurer une série de permis, de certificats, de licences, de vignettes et d’autorisations pour gérer son entreprise; si on lui avait imposé des normes de production, des normes énergétiques et environnementales, des normes du travail, des lois municipales, provinciales et fédérales, des lois sur la concurrence, sur les heures d’ouverture, sur les compagnies, etc.,  aurait-il eu le courage de poursuivre ses ambitions?

Si, de surcroît, il avait été obligé de consacrer une part importante de ses revenus et de son temps pour payer l’impôt des sociétés, l’impôt sur le capital, la taxe sur la masse salariale, les taxes foncières, les tarifs douaniers, les cotisations à l’assurance-emploi, au Régime de rentes, au Régime d’assurance parentale et au Fonds des services de santé, etc., aurait-il eu encore envie de se lancer en affaires?

La fiscalité et les contraintes éteignent l’étincelle qui motive les entrepreneurs. Ainsi, si Steve Jobs avait eu à supporter le fardeau fiscal et réglementaire que certains recommandent actuellement, peut-être aurait-il tout simplement abandonné ses projets. Pour que l’État ait quelques sous de plus dans ses coffres, nous aurions été privés de formidables inventions.

Certains entrepreneurs réussissent à rester motivés. D’autres, non. Pour paraphraser Antoine de Saint-Exupéry, le plus déroutant, c’est que dans chaque entrepreneur que le fisc et la réglementation découragent, il y a peut-être Steve Jobs assassiné…

Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute.
* This column was also published in Le Journal de Québec
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