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L’excédent oublié

Comme ma chronique n’est qu’hebdomadaire, je dois régulièrement déployer des efforts considérables pour contenir mon impatience à dénoncer les aberrations, incongruités et autres illogismes qui font l’actualité et qui scandalisent la contribuable que je suis. Toutefois, jamais l’attente ne m’a paru aussi longue que depuis le dépôt, il y a une semaine, du budget de la Ville de Montréal.

L’administration Tremblay, qui répète depuis des mois qu’elle manque d’argent, a annoncé qu’elle viendra chercher dans nos poches 150 millions de dollars supplémentaires pour financer son budget, qui atteindra 4,5 milliards en 2011. Sans sourciller, le maire de Montréal déclare être « fier » de son budget. Selon lui, quand une administration s’approprie sans scrupules le fruit du labeur des contribuables, c’est « une bonne nouvelle d’une administration responsable ». Monsieur le maire a de l’humour!

Mais à force de discuter du budget de fonctionnement de l’administration municipale, on en oublie la situation financière globale de l’ensemble de la Ville de Montréal. Regardons le rapport annuel qu’elle a déposé au 31 décembre 2009 et attardons-nous à l’état consolidé des résultats, lequel couvre la Ville ainsi que tous les organismes qu’elle contrôle (STM, etc.). Les chiffres pour 2009 indiquent que les revenus totaux de la ville s’élevaient à 5,2 milliards de dollars. Oui, 5,2 milliards, soit une hausse de 44 % par rapport à 2002. Notons que l’inflation n’a été que de 13,2 % au cours de la même période. Quant à ses charges totales, elles étaient de l’ordre de 4,6 milliards de dollars, en hausse de 28 % par rapport à 2002. Comme les revenus de la ville étaient supérieurs à ses dépenses en 2009, elle a clôturé l’exercice avec un excédent de 600 millions de dollars. Plutôt impressionnant, non? Quant à son excédent accumulé au fil des années, il atteint le chiffre mirobolant de 4,3 milliards de dollars. Rien qu’en placements financiers (dépôts à terme, obligations et débentures), la Ville de Montréal possédait 1,6 milliard de dollars au 31 décembre dernier. Une question s’impose alors: comme l’administration municipale inclut dans son budget des sommes qui iront aux organismes qu’elle contrôle, pourquoi le maire Tremblay met-il l’accent sur son budget de fonctionnement sans souffler mot de son bilan consolidé? Pourquoi ne nous donne-t-il donc pas un portrait fidèle et global de la situation financière de la Ville? Jugerait-il inutile d’informer les contribuables des excédents engrangés?

Dans un autre registre, le budget 2011 réitère son « parti pris sans équivoque pour les transports actifs et collectifs ». Il n’y a là rien de surprenant. Les Montréalais ont compris depuis longtemps que cette administration fait la guerre aux automobilistes, comme on faisait autrefois la chasse aux sorcières. Mais, au fait, monsieur le maire, combien de fois avez-vous pris l’autobus ou enfourché un Bixi au cours de la dernière année? De combien de tonnes avez-vous diminué vos émissions de CO2? Quand on croit réellement en une cause, on prêche par l’exemple et on vit selon les valeurs dont on fait la promotion. Le maire de Montréal ainsi que tous les membres de son administration sont donc cordialement invités à prouver leur sincérité et à faire l’expérience du transport collectif dont ils s’escriment à vanter les mérites. Après tout, si ce mode de transport est assez bon pour nous, ne devrait-il pas l’être tout autant pour eux?

Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute.

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