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Op-eds

Fausse joie

Avez-entendu la bonne nouvelle? La récession est terminée! C’est du moins ce qu’affirment Newsweek, Ben Bernanke et l’administration Obama.

Je suis de nature optimiste et j’estime que toutes les bonnes nouvelles méritent d’être célébrées … à condition d’être fondées! Avant de sabler le champagne, il faut donc répondre à une question fondamentale: les éléments déclencheurs de la crise ont-ils été maîtrisés?

Il y a 18 mois, les consommateurs américains et Washington étaient surendettés. L’épargne était inexistante. Les politiques de la Fed encourageaient la consommation excessive et l’emprunt irresponsable, ce qui a alimenté la bulle immobilière. Mais les bulles, qui sont des périodes de croissance artificielle, sont insoutenables et éclatent fatalement entraînant dans leur sillage d’autres pans de l’économie.

En réaction aux troubles économiques, l’Oncle Sam a adopté plusieurs mesures: plans de relance; plans de sauvetage; nationalisation de constructeurs automobiles et de banques; hausse des dépenses de Washington; taux d’intérêt de la Fed pratiquement nul et injection de monnaie dans des proportions historiques; programmes d’incitation à la consommation, etc.

Résultat? Le gouvernement américain s’est tellement endetté qu’on peut raisonnablement décréter qu’il est en faillite. La dette actuelle s’élève à 11,6 billions $ (soit 11600 milliards)! Si l’on tient compte de la dette du Medicare et de la sécurité sociale uniquement, on atteint rapidement 118 billions $. Ce chiffre n’inclut pas les budgets alloués à la défense et à une quantité d’autres programmes mais, déjà là, quelques calculs élémentaires jettent un éclairage assassin sur les finances de l’État américain. Washington enregistre chaque année des recettes de l’ordre de 2,5 billions, ce qui indique un ratio dette/revenus égal à 47! C’est comme si un travailleur qui touche un revenu annuel de 50 000$ avait une dette de 2,3 millions $. Inutile d’être comptable ou banquier pour comprendre qu’il est impossible d’honorer un tel engagement.

De plus, les diverses interventions de la Fed se sont traduites par une augmentation spectaculaire et suicidaire de la quantité de monnaie en circulation. En avril dernier, j’avais écrit qu’une telle politique risque d’occasionner une résurgence de l’inflation, et de transformer les États-Unis en une république de bananes. À l’instar d’un nombre grandissant d’analystes, le célèbre financier Warren Buffet exprimait les mêmes inquiétudes dans un texte publié dans le New York Times du 18 août dernier.

Ainsi, pour résoudre un problème causé par un endettement extrême et une injection de monnaie excessive, les États-Unis ont choisi d’augmenter davantage leur dette et d’injecter encore plus de monnaie. C’est aussi absurde que de prétendre régler un problème d’obésité en mangeant davantage. Et si dévorer un gâteau à la crème procure incontestablement une satisfaction immédiate, il n’en aggrave pas moins la situation.

Il est donc fort peu probable que le cauchemar américain soit terminé. Bien au contraire! D’ailleurs, si l’économie américaine s’améliorait, comment expliquer la faiblesse du dollar US?

Quant à l’augmentation des cours boursiers, beaucoup y voient la preuve que la récession achève. C’est une erreur! Fin 2007, à l’aube de la récession, le Dow Jones atteignait des sommets historiques. Si la bourse n’a pas vu venir la crise actuelle, pourquoi serait-elle en mesure d’en annoncer la fin?

Les conditions à l’origine de la crise sont toujours présentes. Le rebond américain est artificiel et temporaire, car les fondements de l’économie sont inchangés. Et comme la performance du Canada est affectée par la conjoncture américaine, ne nous réjouissons pas trop vite! Empressons-nous plutôt de développer de nouveaux marchés et de réduire notre dépendance économique envers les États-Unis.

Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute.

* This column was also published in Le Journal de Québec.

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