fbpx

Op-eds

Médecine publique et médecine privée

Malgré la bonne qualité des soins prodigués, notre système de santé laisse à désirer au niveau de l’accessibilité. Un nombre trop élevé de ménages est incapable de trouver un médecin de famille, les délais pour obtenir des rendez-vous sont anormalement longs et les urgences témoignent d’un engorgement inacceptable, le tout contribuant à la sévérité des cas et à la morbidité, voire à des décès évitables.

La demande des Québécois pour un système de santé de qualité, universel et accessible est contrée par des groupes de pression probablement bien intentionnés, mais mal informés. On assiste à une querelle byzantine sur la séparation entre le public et le privé alors que nous sommes de plus en plus mal servis par des organisations de santé inefficaces. Plusieurs indicateurs suggèrent que la pénurie des ressources en santé découle d’une organisation inefficace, irrationnelle et figée dans un dédale de règles bureaucratiques servant à maintenir de petits, mais coûteux pouvoirs de monopole. Nous savons que nos salles d’opération sont utilisées à 50% de leur capacité et que de nombreux médecins et infirmières seraient prêts à offrir plus d’heures et donc plus de soins aux Québécois si on leur permettait de le faire, par exemple, en offrant du temps dans le secteur privé une fois accompli leur service rationné dans le secteur public.

Un système de santé public, universel et accessible n’est pas synonyme d’une prestation de soins contrôlée par un système monopolistique d’organismes publics. La seule façon pour les citoyens de se convaincre que leurs fournisseurs de soins sont efficaces et compétents, c’est de les mettre en concurrence, et ce, à tous les niveaux. C’est ce qu’on fait dans pratiquement tous les domaines de notre vie privée et publique. Pourquoi pas dans notre système de santé?

Une bonne dose de concurrence et de responsabilisation permettrait de redonner au système ses bons repères en matière de soins à la population. C’est en ayant recours à des systèmes mixtes, où le privé et le public coopèrent et se concurrencent dans le giron commun d’un régime universel d’assurance maladie, que plusieurs sociétés sociales-démocrates, telles la France, la Suède et plusieurs autres, arrivent à être mieux servies que la nôtre en soins de santé.

Le secteur gouvernemental doit définir le panier de biens et services couverts par le régime public et en assurer le financement. Mais la production des services de santé devrait revenir au secteur concurrentiel (entreprises privées, entreprises d’économie sociale, sociétés à but non lucratif, coopératives et autres) dans le cadre de contrats de performance avec le secteur gouvernemental. Bravo si les organisations incompétentes et inefficaces qui empoisonnent notre système de santé public devaient, lorsque soumises à la concurrence, disparaître et laisser leur place à des organisations plus compétentes et plus efficaces.

En fait, un système concurrentiel dans la fourniture des services de santé devrait être le corollaire essentiel d’un système public, universel et accessible.

En France

Le système français repose en bonne partie sur des fournisseurs privés à but lucratif. Le système public français domine le nôtre sur presque tous les plans, en particulier pour les files d’attente et pour le taux de mortalité évitable. Le système français montre que des fournisseurs de soins privés peuvent apporter une importante contribution à un réseau public de santé et lui permettre d’atteindre les objectifs d’accessibilité et d’universalité des soins.

En 2005, on dénombrait en France 1052 établissements de santé à but lucratif, soit 37% du total et 21% des lits d’hospitalisation, qui réalisaient 50% des chirurgies de l’appareil digestif, 40% des chirurgies cardiaques, 75% des opérations de la cataracte et 30% des accouchements! Fournisseurs publics et privés à but lucratif sont pleinement intégrés au régime public d’assurance maladie qui rembourse les dépenses aux mêmes conditions, que ces dépenses aient été encourues dans un établissement privé ou public, dans le respect du choix des patients. La moitié des citoyens les plus démunis choisissent d’être soignés dans le secteur privé! La concurrence amène les établissements à améliorer la qualité de leurs services et à contrôler leurs coûts. Il n’est pas surprenant de constater que les Français montrent un des taux de satisfaction les plus élevés au monde à l’égard de leur système de santé. Pourquoi pas chez nous?

Marcel Boyer is Vice President and Chief Economist of the Montreal Economic Institute.

Back to top