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Op-eds

Pour une réforme simple du capitalisme

La confiance interbancaire est tellement faible actuellement que la crise, au départ purement bancaire et créée de toutes pièces par des «génies» de l’ingénierie financière, incompétents en économie des incitations et des organisations, risque de s’étendre à l’économie tout entière. L’outil privilégié en ce moment pour rétablir la confiance est l’injection massive de capital gouvernemental dans les banques. Cette injection massive pose elle-même plusieurs problèmes: d’abord, une partie substantielle du nouveau capital servira à sécuriser les créanciers obligataires des banques, réduisant d’autant la disponibilité de fonds prêtables; ensuite, si le marché immobilier poursuit sa débâcle, il faudra sous peu recommencer le même scénario à un coût potentiellement exorbitant pour les contribuables; enfin, on peut s’attendre à ce que des pressions de plus en plus fortes se fassent sentir pour que le gouvernement injecte du capital dans les entreprises privées non-financières en difficulté, un cercle infernal en gestation.

Luigi Zingalès, professeur d’économie, d’entreprenariat et de finance à l’Université de Chicago, propose un plan B en deux parties(1). 1) Pour soutenir les propriétaires résidentiels dans les quartiers (d’après le code postal) où la valeur des maisons a diminué de plus de 20%, le gouvernement adopterait une loi leur donnant l’option de renégocier leur hypothèque proportionnellement à la baisse; en contrepartie, le prêteur hypothécaire recevrait une portion du prix de vente éventuelle de la maison, par exemple 50% de la différence entre le prix de vente et l’hypothèque renégociée, une solution gagnant-gagnant comparativement à la saisie traditionnelle. 2) Pour aider les institutions bancaires en difficulté, le gouvernement mettrait à leur disposition un processus rapide de recours à la faillite partielle selon lequel la dette (papier commercial et obligations) serait transformée en capital-actions et les actionnaires actuels verraient leur capital-actions liquidé mais obtiendraient une option, à exercer dans les sept jours, de racheter la dette à sa valeur nominale.

Afin de s’assurer que toutes les banques non solvables et seulement celles-là choisissent de recourir à ce processus de faillite, il faut assujettir la dette de court terme au processus. Dans la mesure où les créanciers de cette dette considèrent la banque non solvable, ils liquideront leur dette dès que possible, provoquant une crise de liquidité et forçant la banque à recourir au processus. Les incitations sont alors bien alignées et la banque retrouve sa solidité financière, peut recommencer à prêter et garde par ailleurs toutes ses autres obligations contractuelles.

La force du processus est triple: d’abord, le secteur bancaire est recapitalisé sans injection de capital gouvernemental; ensuite, le gouvernement n’a pas à déterminer la valeur des actifs de la banque en difficulté; enfin, on évite de voir le gouvernement décider de l’avenir des banques individuelles car le marché s’en chargera. Pour Zingalès, il est maintenant temps que les gouvernements se mettent à l’écoute des Économistes pour implémenter une solution de marché qui évite de gaspiller des fonds publics et n’utilise la force publique que pour réorganiser rapidement et efficacement le secteur bancaire.

1. Luigi Zingalès, « Plan B », The Economists’ Voice, 24 octobre 2008, Berkeley Press.

Marcel Boyer is Vice President and Chief Economist of the Montreal Economic Institute.

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