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La tarte aux merveilles

Les consommateurs canadiens sont bien protégés contre la publicité trompeuse.

La Loi sur la concurrence et la Loi sur l’emballage et l’étiquetage sont formelles: iI est illégal de fournir des indications trompeuses, et l’étiquette d’un produit doit indiquer des renseignements exacts et suffisamment explicites pour permettre aux consommateurs de prendre des décisions éclairées. Très bien!

Mais que faire lorsque nos entités gouvernementales omettent des informations importantes? C’est pourtant ce que fait Revenu Québec avec La tarte aux merveilles, un conte destiné aux jeunes de 10 à 12 ans.

Sous prétexte d’initier les jeunes au paiement des taxes et impôts, le conte présente la fiscalité comme une intervention non seulement bénéfique, mais pratiquement divine. Sur un ton enthousiaste et paternaliste, le texte compare les impôts à un panier de fraises que chaque citoyen apporte à l’État et qui sert à produire une énorme tarte dont tout le monde profitera.

Évidemment, le conte reste muet sur le fait que les fraises ne finissent pas toujours dans la merveilleuse tarte, que certaines sont outrageusement gaspillées, que la tarte n’est pas toujours fraîche, que même ceux qui n’aiment pas les fraises doivent en manger, et que ceux chargés de préparer la tarte sont parfois de bien mauvais pâtissiers.

Il faut plus qu’un conte puéril pour éduquer des jeunes. Il faut des faits! Pourquoi donc ne pas informer les jeunes que leur famille a payé en 2005 en moyenne 5 732 $ d’impôts et de taxes de plus qu’une famille ontarienne, ce qui explique pourquoi leurs parents n’ont pas les moyens de leur offrir le voyage à Disneyland dont ils rêvent.

Et quand l’enfant demande pourquoi papa a renoncé à créer sa petite entreprise, on pourrait citer l’écrivain français George Duhamel qui expliquait qu’«une fiscalité oppressive freine pêle-mêle toutes les ambitions individuelles».

Extravagances

On pourrait aussi raconter aux jeunes comment les gouvernements ont dilapidé des dizaines de millions de dollars en 2007 en commandant des rapports et des commissions d’enquête qui, au mieux, seront lus en diagonale.

Ils seront également curieux de savoir pourquoi les Montréalais endommagent leur voiture en roulant sur d’énormes nids-de-poule pendant que l’administration Tremblay prévoit dépenser deux millions de dollars pour restaurer et éclairer la croix du mont Royal.

Ou encore pourquoi le gouvernement fédéral va dépenser 240 000 $ pour étudier la possibilité de se lancer dans l’exploitation minière… de la lune! Et pourquoi pas un conte sur les extravagantes dépenses de Lise Thibault, ancienne lieutenant-gouverneur du Québec, ou sur le fiasco de l’usine Gaspésia? On trouve les mots pour parler aux jeunes de la mort ou des MTS. On peut donc certainement aborder la question des impôts de manière honnête!

Or, le conte que propose Revenu Québec n’est ni instructif ni divertissant. Il cherche plutôt à endoctriner les jeunes pour en faire des contribuables dociles qui paieront leurs impôts sans jamais chercher à comprendre ni la manière dont l’État en dispose ni les effets pervers qu’occasionne une fiscalité étouffante.

Au lieu de renseigner correctement les jeunes, de développer leur esprit critique et de les pousser à poser les questions pertinentes, on en fait de gentils moutons qui suivront aveuglément leur berger.

Nous demandons aux entreprises de ne rien nous cacher. Peut-être devrions-nous en exiger autant de ceux qui nous gouvernent, surtout quand ils s’adressent à nos enfants!

* This column was also published in Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute and author of the book La face cachée des politiques publiques.

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