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Aider intelligemment

La ministre des Finances, Mme Monique Jérôme-Forget, déposera son deuxième budget jeudi prochain.

Évidemment, aider le secteur manufacturier des régions ressources est l’une des priorités de l’heure. Et comme tous les partis se sont dits déçus du plan d’aide «très timide» du fédéral, on envisage certainement de délier les cordons de la bourse pour se lancer à la rescousse des régions.

Les intentions sont louables, mais il faut se méfier des mesures qu’on pourrait adopter. L’expérience nous a prouvé que subventionner les entreprises en difficulté ou offrir un crédit d’impôt remboursable de 30% sur la croissance de la masse salariale sont des moyens inefficaces, voire tout simplement contre-productifs. D’ailleurs, comment oublier le fiasco de l’usine Gaspésia qui a coûté près de 300 millions $ aux contribuables québécois, et les 1 700 programmes d’aide et de subventions aux entreprises dont les effets tardent à se manifester?

Identifier la cause

Pour régler définitivement un problème, il faut avoir le courage d’identifier sa cause. Si les régions ressources éprouvent des difficultés, ce n’est ni en raison de subventions insuffisantes, ni parce que le crédit de 30% sur la croissance des salaires est trop maigre. C’est parce que leur productivité est trop faible!

À cet égard, les observations du Rapport Gagné sur les aides fiscales aux régions ressources sont fort éclairantes. En l’occurrence, il a montré que la productivité du secteur manufacturier dans les régions ressources s’est accrue d’à peine 0,2% de 1998 à 2005. Oui, 0,2%!!! Cette performance est lamentable, surtout quand on sait que celle du secteur manufacturier québécois dans son ensemble a augmenté de 2,5%, et celle des régions urbaines, de 3,5%.

Alléger le fardeau fiscal

La productivité permet la création de richesse et constitue l’un des principaux moteurs de croissance d’une société. Il est donc utopique d’espérer progresser sans l’améliorer. Or, pour augmenter la productivité des travailleurs, il est primordial que (1) les entreprises aient accès à de la machinerie et à des équipements de pointe, et que (2) les travailleurs reçoivent la formation appropriée. Et comme la détresse des régions ressources est grande, il est urgent d’encourager l’investissement de manière notable, et de former adéquatement les travailleurs.

Ainsi, pour aider intelligemment les entreprises des régions ressources, comme celles de partout d’ailleurs, il serait souhaitable d’alléger leur fardeau fiscal afin de leur donner la marge de manoeuvre pour investir. Mais une telle mesure a peu de chances de voir le jour, car les politiciens aiment privilégier ce qui est politiquement rentable au détriment de ce qui est économiquement bénéfique. Par conséquent, on devrait au moins s’inspirer du rapport Gagné et remplacer l’actuel crédit d’impôt à la masse salariale par un crédit d’impôt à l’investissement. Idéalement, on devrait également encourager la formation des travailleurs. Les partis de l’Assemblée nationale peuvent offrir aux régions ressources l’occasion de s’en sortir. Espérons qu’ils auront le leadership nécessaire pour entreprendre le virage qui s’impose!

Et vu les vertus du crédit d’impôt à l’investissement, pourquoi le réserverions-nous uniquement au secteur manufacturier des régions éloignées? Toutes régions confondues, la productivité des travailleurs québécois est inférieure à celle des travailleurs canadiens et américains. Alors, pourquoi ne pas étendre le «privilège» à l’ensemble des entreprises québécoises et ainsi les aider à devenir des acteurs redoutables sur la scène internationale? Pouvons-nous réellement nous permettre de ne pas mettre toutes les chances de notre côté?

* This column was also published in Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute and author of the book La face cachée des politiques publiques.

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