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Le culte de la victime

À compter du 1er janvier prochain, les aliments à faible valeur nutritive comme les frites et les boisons gazeuses seront supprimés des écoles du Québec.

Vouloir promouvoir de saines habitudes alimentaires est louable, mais le discours tenu est infantilisant et mensonger, tandis que les mesures déployées sont hypocrites et perverses.

Le discours est infantilisant, car il sous-entend que les jeunes sont trop ignorants pour distinguer la nourriture saine de la malbouffe. Pourtant, nous vivons dans une société qui croule sous l’information et il faudrait faire de gros efforts pour ignorer la promotion d’aliments santé, qu’il s’agisse de yogourts sans gras, de céréales sans sucre ou de pain de blé entier.

Le discours est mensonger dans la mesure où il est axé sur l’environnement. L’enfant serait «victime» des mauvais choix alimentaires qui s’offrent à lui. Or, il est faux d’affirmer que seule la malbouffe est disponible. Même McDonald’s offre des salades!

Quant aux mesures employées, elles sont hypocrites, puisqu’on oublie d’incriminer les principaux responsables de l’obésité des jeunes: leurs parents! On entend parler de ce que l’État doit faire pour inculquer de saines habitudes alimentaires aux jeunes, mais il existe une omerta sur le rôle des parents. Évidemment, accuser un électeur de négliger l’alimentation de sa progéniture n’est pas politiquement rentable!

Pourtant, la responsabilité des parents est évidente. D’une part, ce sont eux qui financent la consommation de frites de leurs enfants. D’autre part, le petit-déjeuner et le souper sont pris à la maison, ce qui représente 2/3 des repas de la journée, sans oublier les collations prises au retour de l’école et en soirée et les week-ends, car ils représentent 28% de la semaine. Si les cafétérias et les fast-foods sont actuellement dans la ligne de mire, ce n’est pas tant en raison du rôle qu’ils jouent dans l’obésité des jeunes, mais parce que personne n’a le courage de reprocher aux parents de garnir leur réfrigérateur de malbouffe.

Enfin, les mesures adoptées occasionnent des effets pervers, car elles ouvrent la porte à une intrusion tentaculaire de l’État dans notre quotidien. Aujourd’hui, on vise les cafétérias, mais que fera-t-on si les enfants apportent à l’école des chips et des beignes? Vérifiera-t-on les boites à lunch? Inspectera-t-on le réfrigérateur des parents? Et que faire contre les habitudes sédentaires des jeunes qui passent des heures devant la télé ou l’ordinateur? Va-t-on permettre à des fonctionnaires ou à des bien-pensants d’imposer leurs standards?

Obésité

Et puis, l’obésité frappe également les adultes. Si on permet aux fonctionnaires de faire la guerre aux jeunes, ils ne tarderont pas à la déclarer également aux adultes, si bien qu’il sera rapidement impossible de manger des frites sans craindre de voir débarquer l’escouade anti-malbouffe. Mais qui donc est propriétaire de notre corps, nous ou l’État?

Si tout le monde s’entend pour affirmer que les compagnies sont responsables de ce qu’elles vendent, pourquoi les individus ne le seraient-ils pas de ce qu’ils mangent? Le libre-arbitre est-il donc à ce point évacué de notre société? Le premier pas dans la lutte contre l’obésité est de briser le culte de la victime et de responsabiliser les individus, jeunes et moins jeunes. Malheureusement, le concept de responsabilité individuelle est totalement étranger à tous les partisans de la nationalisation des corps!

Certains diront que l’intervention de l’État est nécessaire, car l’obésité impose des coûts importants aux contribuables via le système de santé public. Je répondrai à cet argument la semaine prochaine.

* This column was also published in Le Journal de Montréal.

Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute and author of the book La face cachée des politiques publiques.

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