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40e anniversaire des collèges – Les cégeps ont plutôt mal vieilli

Les temps ont bien changé depuis l’instauration du réseau collégial en 1967. Alors que les cégeps ont bel et bien contribué à augmenter le niveau de scolarisation des Québécois, force est de constater qu’ils sont maintenant mal outillés pour faire face à la décroissance de leur clientèle et aux nouveaux besoins du marché du travail. Les débats entourant le Forum sur l’avenir de l’enseignement collégial, tenu en 2004, n’avaient apporté que des modifications cosmétiques au fonctionnement du réseau. Il semble désormais que le 40e anniversaire des cégeps soit le moment privilégié pour amorcer une réflexion constructive sur leur fonctionnement.

Qu’obtient-on en créant 48 institutions scolaires, dont plusieurs sont désormais vivotantes, disséminées sur le territoire québécois plutôt en fonction d’aléas politiques qu’en regard des besoins? En leur retirant ensuite la possibilité de se démarquer les unes des autres, tant par une offre de formation en pratique uniforme que par l’impossibilité d’imposer des droits de scolarité? On obtient les cégeps, qui sont plus que jamais confrontés au besoin d’une refonte majeure de leur mode de fonctionnement!

La plupart des collèges offrent les mêmes programmes – notamment sciences humaines et sciences de la nature au secteur préuniversitaire; techniques administratives et informatique au secteur technique – sans égard au nombre d’institutions qui se partagent le territoire. Comme le diplôme d’études collégiales est décerné uniformément par le ministre de l’Éducation, les collèges ne sont pas incités à développer des «créneaux de formation» pour se démarquer des autres institutions et attirer un plus grand nombre d’étudiants. Ils ne peuvent pas non plus se concurrencer par une variation des coûts de formation, puisqu’il leur est interdit d’imposer des droits de scolarité. Au cégep, on paie pour tout ce qui entoure l’enseignement, mais pas pour l’enseignement lui-même!

Parallèlement au manque de flexibilité auquel elles sont confrontées, les institutions collégiales se disputent une clientèle qui diminue d’année en année. De 2000 à 2005, la fréquentation des établissements collégiaux a diminué de 4 %. On prévoit que la situation ira en se détériorant dans les sept prochaines années, particulièrement pour les régions québécoises.

S’il est toujours nécessaire de procéder à une évaluation rigoureuse de la qualité de l’enseignement afin de garantir une formation collégiale de qualité sur l’ensemble du territoire québécois, comme le fait actuellement la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial, le maintien du diplôme d’études collégiales provincial devrait être remis en question.

Les cégeps gagneraient à faire varier leur offre de formation en étant en mesure de décerner localement leur propre diplôme. À preuve, les rares initiatives locales de programmes innovateurs ont été couronnées de succès. Qu’on pense au programme d’art et technologie des médias au Cégep de Jonquière – qui attire chaque année des étudiants en région – ou aux programmes d’audioprothèse ou d’acupuncture au Collège de Rosemont à Montréal. En les habilitant à décerner leur propre diplôme, on donnerait aux collèges l’incitation de fournir un large éventail de formations diversifiées et originales, qui répondraient mieux aux besoins des étudiants; ce que ne fait pas l’actuel diplôme provincial.

Comme à l’université, il faudrait également considérer la possibilité d’imposer des droits de scolarité au niveau collégial.

Puisqu’ils en récoltent les fruits plus que quiconque, notamment sous forme de salaires accrus après la diplomation, il est normal que les étudiants participent activement au financement de leur éducation. Qui plus est, l’arrivée de droits de scolarité au collégial donnerait aux étudiants une information sur la valeur des services d’éducation qu’ils reçoivent, en plus de les inciter à avoir une réflexion sérieuse sur leurs choix d’études et d’institution d’enseignement.

Les cégeps, et à plus forte raison les étudiants du réseau collégial, sortiraient gagnants d’une plus grande concurrence. Les institutions les plus performantes et celles qui offrent la meilleure formation verraient leurs efforts récompensés. Celles qui tirent de l’arrière pourraient apprendre de ces expériences et s’adapter en conséquence. À terme, c’est l’ensemble des Québécois qui bénéficieraient d’une meilleure formation et d’une préparation plus adéquate aux exigences du marché du travail.

* This article was also published on www.cyberpresse.ca (Le Soleil).

Mathieu Laberge is an Economist at the Montreal Economic Institute.

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