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Pour une ouverture au privé

L’idée d’instaurer un ticket modérateur a récemment fait des vagues. Un autre débat important pour l’avenir du système de santé, celui sur la mise en place d’une véritable assurance maladie privée, n’a cependant jamais eu lieu.

Nous aurions pu nous attendre à un tel débat à la suite de l’arrêt de la Cour suprême dans la cause Chaoulli. Ce jugement statuait que deux articles interdisant l’achat d’assurances privées pour les soins de santé déjà fournis par le régime public violent la Charte québécoise des droits et libertés. La Cour a donné au gouvernement québécois un an pour se conformer à cette décision, et l’échéance arrive à grand pas.

Le document de consultation, préparé par le gouvernement en réaction à l’arrêt, propose de permettre l’émergence d’assurances santé privées pour trois actes seulement, soit les opérations à la hanche, aux genoux et aux cataractes.

Cette proposition ne va pas assez loin. Du point de vue juridique, il n’est pas clair si cette approche restrictive respectera la décision des juges. Il est tout à fait possible que les patients qui continueront d’attendre pour des traitements où l’assurance privée demeurera interdite vont contester la nouvelle politique devant les tribunaux. De telles procédures entraîneraient une fois de plus des coûts considérables pour les contribuables.

Du point de vue économique, une approche aussi limitée n’est pas la bonne voie à prendre non plus. Les assurances privées sont un moyen d’augmenter les ressources globales consacrées à la santé, et donc éventuellement de diminuer les files d’attente. La plupart des pays de l’OCDE réglementent peu ou pas du tout les prestations que doivent offrir les polices d’assurance privée.

Limiter les assurances à certains traitements réduira la possibilité de partage de risque, et rendra les assurances privées beaucoup moins attrayantes. De toute façon, l’offre d’assurances et de services de santé privée se développera d’abord dans les secteurs où l’attente est la plus longue et les besoins sont les plus importants. Il revient cependant aux consommateurs et au gouvernement de trouver un point d’équilibre selon leurs moyens et leurs préférences.

Avec plus de 43% des dépenses de programmes du Québec consacrées à la santé (en comparaison de 35% il y a 15 ans), il est temps d’agir. D’autant plus que la demande de soins de santé ne pourra qu’augmenter, ne serait-ce qu’avec le vieillissement de la population et la découverte de nouveaux traitements, plus sophistiqués, et probablement plus coûteux.

Il faut aussi garder à l’esprit que la santé n’est pas qu’une dépense. Même si ça n’est peut-être pas un marché comme les autres, la santé constitue un important secteur économique. L’Association des cliniques médicales indépendantes du Canada estime que si on permettait au privé de fournir tous les soins, il en résulterait pour le Canada des investissements privés de l’ordre de 10 à 40 milliards de dollars.

Une ouverture réelle à l’assurance maladie privée profiterait à l’ensemble des Québécois, directement ou indirectement. En plus de réduire les listes d’attente, elle offrirait aux patients une plus grande liberté de choix et permettrait le développement d’un secteur économique largement inexploité. Que ce soit maintenant ou plus tard, il faudrait faire ce débat.

Tasha Kheiriddin is Executive Vice President of the Montreal Economic Institute.

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