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Le progrès économique et l’environnement sont indissociables

Chaque année, lors du Jour de la Terre, le 22 avril, les militants écologistes dénoncent la croissance économique qui, selon eux, détruirait notre environnement et épuiserait rapidement nos ressources. Or dans les faits, la presque totalité des statistiques officielles de nos gouvernements et d’organismes comme l’Organisation des Nations unies nous apprennent au contraire que le niveau de vie des êtres humains et la qualité de l’environnement se sont grandement améliorés depuis plus d’un siècle.

Ainsi, la qualité de l’air dans les villes des économies développées est aujourd’hui bien meilleure qu’elle ne l’était il y a un siècle et elle ne cesse de s’améliorer depuis des décennies. À Montréal, entre 1974 et 1999, la concentration de plomb dans l’air a diminué de près de 99%, celle de dioxyde de soufre de 77% et celles de particules en suspension et de monoxyde de carbone de plus de 70% chacune.

Si l’on observe des problèmes dans certaines forêts tropicales, le couvert forestier est en expansion dans près d’une soixantaine de pays, dont l’Inde et la Chine. Les ressources minérales indispensables à l’industrie ne s’épuisent pas, bien au contraire. Les réserves mondiales de pétrole qui sont exploitables sont aujourd’hui 15 fois plus grandes qu’en 1948 et environ 40% plus importante qu’en 1974.

La production alimentaire a plus que doublé dans le monde depuis 1961, triplant dans les pays en développement. Depuis 1970, la quantité de nourriture par personne a augmenté de 26% à l’échelle de la planète, tandis que le prix des denrées alimentaires a diminué de près de 66% depuis le milieu des années 1950.

L’indicateur le plus pertinent est cependant l’espérance de vie des êtres humains. Après tout, si le développement économique et le progrès technique nous sont si dommageables, comment peut-on expliquer que l’espérance de vie dans nos sociétés industrielles avancées est maintenant de 77 ans, tandis qu’elle n’était que de 21 ans à l’âge de pierre, de 30 ans au début de l’ère chrétienne et de 47 ans aux États-Unis il y a un siècle?

Nous sommes donc confrontés à un paradoxe. Comment expliquer que des êtres humains qui sont de plus en plus nombreux et qui consomment de plus en plus de ressources améliorent simultanément la qualité de leur environnement et de leurs conditions de vie presque partout?

La réponse est simple: loin de n’être que des pilleurs de la nature, les êtres humains sont, dans un contexte d’économie de marché, de remarquables créateurs de ressources. En résumé, la recherche du profit amène spontanément les entreprises à développer des techniques moins polluantes, à créer de nouvelles ressources et à trouver de nouveaux usages rentables pour leurs déchets.

La quête de l’efficience

Dans un marché compétitif, une entreprise ne peut survivre qu’en faisant toujours plus et mieux en utilisant moins de ressources ce qui, au bout du compte, diminue son impact sur l’environnement. Par exemple, depuis 1980 la quantité d’eau utilisée par l’industrie américaine a diminué de façon absolue.

Les gains de productivité dans le secteur agricole sont aussi spectaculaires. Par exemple, en 1940 les agriculteurs américains produisaient 56 millions de tonnes métriques de maïs en utilisant 31 millions d’hectares. En 2000, la production de maïs avait presque quintuplé (252 millions de tonnes métriques) tandis que la surface cultivée à cette fin avait diminué de 6,5% à 29 millions d’hectares. Une portion importante des terres agricoles abandonnées sont depuis redevenues des forêts.

Nouvelles ressources

Le système des prix est un mécanisme remarquablement efficace pour favoriser le développement de produits substituts aux ressources qui deviennent plus rares. Il ne restait ainsi qu’environ 50 000 baleines dans le monde lorsque leur chasse connut un déclin précipité dans la seconde moitié du XIXe siècle. Pourquoi cette activité fut-elle quasiment arrêtée plus d’un siècle avant la fondation de Greenpeace? D’abord et avant tout parce que de nombreux inventeurs et entrepreneurs avaient développé des alternatives plus économiques et rentables à l’huile de baleine tels que le kérosène et l’ampoule électrique à incandescence.

Quelle avait été leur principale motivation? L’information transmise par le système des prix. En 1831, le demi-gallon d’huile de baleine se vendait 0,30$ aux États-Unis. En 1843, le prix avait plus que doublé à 0,63$. En 1854, il avait été multiplié par plus de six pour atteindre 1,92$. Pour faire un parallèle avec les prix du pétrole aujourd’hui, le prix du baril d’huile de baleine atteindra un sommet équivalent à 137$ aujourd’hui, soit près de six fois le niveau du prix du baril de pétrole au cours des dernières années. Il était donc évident pour un très grand nombre d’entrepreneurs que le développement d’alternatives à l’huile de baleine devait être une priorité.

L’expansion des forêts s’explique en bonne partie par le même phénomène. Par exemple, les métaux, les plastiques et le ciment ont remplacé le bois comme matériau de construction, tandis que le charbon, l’huile, le gaz naturel et l’hydroélectricité ont remplacé le bois comme source d’énergie.

Valorisation des rébuts

Les meilleurs gestionnaires et techniciens ont depuis longtemps compris que, loin d’être rentable, la pollution est une forme de gaspillage qui nuit à la profitabilité de leur entreprise et que la valorisation des déchets est une condition essentielle de leur réussite.

Par exemple, dès 1862, le journaliste britannique Peter Lund Simmonds publie un ouvrage de près de 500 pages intitulé Waste Products and Undeveloped Substances qu’il est obligé de réviser en profondeur et de publier de nouveau en 1873 tant les progrès dans le domaine sont rapides. Simmonds observe que «de quelque côté qu’on regarde, on voit que les choses les plus triviales peuvent être converties en or. Les déchets et les rebuts d’un atelier deviennent la matière première d’un autre». Pourquoi les industriels agissent-ils de la sorte? Tout simplement parce qu’«à mesure que la compétition s’intensifie, les manufacturiers n’ont d’autres choix que d’examiner toujours plus attentivement les items qui peuvent faire la moindre différence entre le profit et la perte, et de convertir des produits inutiles en produits commercialisables».

Le diagnostic de Simmonds est partagé par l’une de ses connaissances, Karl Marx, qui observe lui aussi quelques années plus tard dans le livre III de son Capital qu’«avec le mode de production capitaliste s’amplifie l’utilisation des résidus de la production» et que «ce qu’on appelle déchets joue un rôle important dans la quasi-totalité des industries».

Plusieurs ouvrages similaires à celui de Simmonds seront publiés dans les décennies suivantes en Grande-Bretagne, en France, aux États-Unis et en Allemagne. En fait, comme le remarque en 1920 le journaliste Frederick Ambrose Talbot dans son ouvrage Millions from Waste, «raconter l’histoire de toutes les fortunes qui ont été amassées à partir de la mise en marché de ce qui était auparavant rejeté et sans valeur requerrait un volume. Cette histoire est cependant un roman fascinant qui a peu d’égal dans toute la sphère d’activité humaine.»

Développement durable

Contrairement à ce que laissent entendre des militants écologistes, le développement durable, c’est-à-dire un développement qui répond aux besoins actuels sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs, a toujours été une caractéristique intrinsèque des économies de marché.

On ne peut par ailleurs invoquer les réglementations environnementales récentes pour expliquer les progrès des dernières années car les tendances positives en termes de réduction de la pollution leur sont bien antérieures. En fait, un nombre grandissant d’experts reconnaissent aujourd’hui que plusieurs de ces réglementations ont eu des effets néfastes, notamment parce qu’elles imposent une façon de faire précise aux entreprises plutôt que de les laisser libres d’innover pour résoudre leurs problèmes.

S’il est vrai que certaines situations particulières demeurent problématiques du point de vue de l’environnement dans plusieurs régions du globe, elles résultent presque toujours d’une absence ou d’une insuffisance de développement économique ou de problèmes politiques. Force est cependant de reconnaître que l’économie de marché n’a pas d’égale pour canaliser de façon optimale la créativité des individus et encourager l’émergence d’une grande variété de technologies pour résoudre ces problèmes, surtout lorsqu’on la compare aux performances environnementales lamentables des économies planifiées d’Europe de l’Est et du Tiers-Monde.

Pierre Desrochers is Research Director at the Montreal Economic Institute and author of the Economic Note entitled Comment la recherche du profit améliore la qualité de l’environnement.

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