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Le Rapport de l’Institut Fraser – La prospérité ou la stagnation

L’Institut Fraser, un think tank économique de Vancouver, vient de rendre publique une étude (version intégrale en anglais et résumé en français) qui démontre que le Québec a été incapable de combler l’écart entre son revenu et la moyenne canadienne. La réponse de nos médias et experts économiques a été rapide et prévisible. Pierre Fortin, un commentateur économique bien en vue, rejette d’emblée l’étude comme étant l’oeuvre d’ultraconservateurs de Vancouver dont les idées sont bien connues et qui sont même incapables d’établir les faits comme il faut. Son point de vue est le suivant: le Québec s’en est très bien tiré. Bref, tout va très bien dans le meilleur des mondes.

Examinons les faits. En 1961, le produit intérieur brut québécois par habitant s’établissait à 90% de la moyenne canadienne. Quarante ans plus tard, il stagnait toujours au même niveau et la différence relative en matière de PIB par habitant entre l’Ontario et le Québec s’est élargie. Bien que le Québec ait dépassé l’Ontario en 2002 et 2003 en matière de création d’emplois, son taux de chômage n’en demeure pas moins de 15 à 20% supérieur à celui observé en Ontario.

Ce boum récent ne peut pas être source de réjouissance. De tels boums partent aussi vite qu’ils arrivent. Presque 20% des Québécois oeuvrent dans le secteur manufacturier, très sensible aux variations du taux de change. La croissance soutenue du dollar canadien peut éventuellement se traduire par un autre revirement défavorable à l’économie québécoise. L’argument principal de l’étude de l’Institut Fraser se formule ainsi: si nous voulons connaître ce qu’il faut faire au sujet de notre économie, il faut alors tenir compte des tendances à long terme.

Lois et subventions

Les tendances montrent que dans les années 60 et au début des années 70, l’économie québécoise était en plein essor et son taux de croissance était supérieur à ceux de l’Ontario et du reste du Canada. La part relative du gouvernement provincial dans l’activité économique, les taxes et les impôts ainsi que le taux de syndicalisation étaient aussi plus faibles que dans le reste du Canada. Soudainement, le Québec a attrapé le virus européen du dirigisme. Les impôts et les taxes n’ont pas cessé de grimper, de sorte que dans les années 90, ils étaient les plus élevés en Amérique du Nord.

Pas besoin d’un économiste pour comprendre qu’un régime d’imposition élevé décourage les investissements et les efforts des agents économiques. Pourquoi démarrer une entreprise si l’entrepreneur sait qu’au moins la moitié de ce qu’il produit ira dans le fonds consolidé du revenu?

Pouvons-nous au moins espérer des services gouvernementaux de bonne qualité pour les dollars versés en taxes et en impôts? L’état des routes est en décrépitude, notre performance scolaire est parmi les plus faibles selon l’OCDE, en dépit d’une contribution financière publique parmi les plus élevées au monde, et nos hôpitaux font attendre des patients dont la vie est en danger ou dont la maladie est débilitante plusieurs mois avant qu’ils ne reçoivent des traitements appropriés.

Une partie de notre problème repose sur le fait que les syndicats utilisent la loi pour s’isoler de la concurrence. Le Québec est la province ou l’État en Amérique du Nord dont le taux de syndicalisation est le plus élevé, soit presque 40% de sa main-d’oeuvre. Quant aux travailleurs de l’Ontario, ils ne sont syndiqués qu’à 25%. C’est une très bonne nouvelle si les syndicats ne peuvent plus se protéger de la concurrence grâce à l’article 45 du Code du travail, qui rend presque impossible aux entreprises privées et publiques de faire de la sous-traitance avec des firmes qui produiraient des biens et des services beaucoup mieux et à moindre coût. Aux États-Unis, tout près de 80% des économies réalisées par les réformes gouvernementales proviennent de cette nouvelle façon de faire: la sous-traitance ou l’impartition. Le Québec se prive de gains fort appréciables en choyant ses syndiqués.

Une autre partie de notre problème, c’est que les subventions consenties par le gouvernement aux entreprises qui participent au «développement économique» coûtent la somme de 500 $ à chaque citoyen québécois, qu’il soit enfant, femme et homme. Les subventions atténuent les incitations qu’ont les entreprises d’innover et envoient le message selon lequel la réussite sur le marché dépend non pas de la façon dont l’entrepreneur est capable de satisfaire son client mais plutôt de son habileté à quémander des sommes aux politiciens et aux bureaucrates.

Vers l’Irlande

Loin d’être une attaque envers le Québec, le rapport de l’Institut Fraser est un guide vers la prospérité. En ciblant ce que nous avons mal fait – imposition trop élevée, dépenses publiques excessives et taux élevé de syndicalisation –, il montre aussi ce que nous pouvons mieux faire.

Le Québec est géographiquement au centre du commerce en Amérique du Nord. Le Québec profite de l’une des plus grandes voies maritimes du monde, a une population hautement éduquée et constitue un attrait touristique fort apprécié. Notre potentiel d’amélioration est beaucoup plus grand que celui de l’Irlande au cours des années 80. En 1985, le revenu moyen de l’Irlande était de un tiers inférieur à celui du Québec. L’Irlande a radicalement réduit son régime d’imposition et les syndicats ont renoncé à leur pouvoir corporatiste. Aujourd’hui, le citoyen moyen irlandais est plus riche que le citoyen moyen québécois, le taux de chômage en Irlande équivaut presque à la moitié du nôtre et les aspirations des Irlandais ne semblent avoir aucune limite. (Pour plus de détails sur les réformes en Irlande et leurs effets, voir Le «miracle celte»).

Les Irlandais n’étaient pas chanceux, ils étaient débrouillards. Nous pouvons soit les imiter et réaliser ainsi notre potentiel, soit continuer à tourner en rond en brassant et en ressassant les mêmes chimères comme nous le faisons au moins depuis les 20 dernières années. Faites votre choix.

Michel Boucher is Associate Researcher at the MEI, Filip Palda is Professor at ÉNAP.

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